11.

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Un homme rentre dans la pièce, habillé en noir, la bonne vingtaine, et dépose sur le bureau d'Alina un papier qu'elle contemple sans y toucher. L'homme m'adresse un regard suspicieux et elle se décide enfin à se lever. 

- Merci, Marcus. 

C'est sûrement un homme avec lequel elle travaille. Mais la violence dont il a fait preuve pour ouvrir la porte m'a sonnée, et je reste interdite, à fixer cet inconnu qui ne connaît visiblement pas les normes de politesse comme le fait d'attendre quand quelqu'un ne répond pas à la porte. Ce que je pense doit se voir sur mon visage, puisqu'Alina s'adresse ensuite à moi : 

- Il est doux comme un agneau, ne t'inquiète pas. C'est Ren qui a enfoncé la porte du bureau. 

Je fronce les sourcils. Ren ? Ren. Ren qui était soi-disant son collègue de travail, selon ses dires à l'hôpital. Merde, moi qui pensait ne plus jamais les revoir, et surtout après après hier à la soirée d'Halloween, parce que ça commençait à faire beaucoup... Il s'avère qu'ils sont donc bien collègues, finalement. Et que ce type à qui j'ai sauvé deux fois la vie, a enfoncé une porte au lieu de patienter. 

- Qui c'est ? demande Marcus. 

- C'est Silene Osborn.

- Qui c'est ? répète t-il. 

- Possiblement une nouvelle recrue, déclare Alina. 

Je déglutis. Elle s'emballe, là, je suis loin de dire oui à son offre - du moins pour l'instant. Tout ça ne m'inspire vraiment pas confiance, et dès le premier jour j'ai bien senti qu'il y avait quelque chose d'étrange dans l'ombre de cette femme. En plus de ça, je n'ai pratiquement rien compris à pourquoi elle voulait m'embaucher.

- On a une nouvelle recrue ? s'étonne une voix féminine plus loin. 

Marcus, un sourcil dressé, me fixe comme si j'étais le pape, puis quitte le bureau sans un mot de plus. J'ai mal à la tête, je n'arrive pas à comprendre ce et ceux qui m'entourent, j'ai l'impression d'avoir atterri au beau millieu de nulle part, c'est un trou noir sans fin. D'un seul coup, des pas se rapprochent et Ren entre dans la pièce. Il me voit immédiatement, et ses yeux naviguent de moi à Alina, d'Alina à moi, de longues secondes, en silence. J'ai l'impression d'avoir été convoquée chez le CPE et que le principal vient de débouler pour me passer un savon. Ren la fusille du regard et s'avance vers elle. 

- Dis-moi que tu n'es pas en train de faire ce que je crois que tu fais. 

- Je suis exactement en train de faire ce que tu crois que je fais. 

Le ton qu'ils ont employé tous les deux témoigne d'une haine sans faille. Je ne les reconnais pas. Eux qui étaient presque soudés dans l'accouchement de la jeune maman, se tiennent maintenant tête, presque agressifs l'un envers l'autre. L'animosité que je sens dans la pièce me met dans une position extrêmement compliquée.  Et cette animosité est apparement mon sujet d'ailleurs, ce qui me met très mal à l'aise pour être tout à fait honnête, et je n'ai qu'une seule envie : me terrer dans un trou de souris.

- Je vais y aller, je murmure en me levant. 

- Ne bougez pas. 

Le ton froid de la blonde me retient dans mes mouvements alors qu'elle regarde Ren intensément.

- Sors de mon bureau et revient dans un quart d'heure, demande t-elle. 

Sa mâchoire se contracte et il tourne les talons avant de claquer la porte derrière lui. Pas plus dérangée que ça, elle revient s'asseoir devant moi un petit sourire au lèvres et croise les bras avant de s'enfoncer dans le dossier de son fauteuil. 

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant