22.

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Mes pieds me ramènent au lycée malgré qu'il est l'heure du déjeuner et que je sais qu'Hadidja doit me chercher partout parce que mon téléphone ne fait que de vibrer dans ma poche, mais je m'empêche de répondre. Je récupère rapidement ma voiture sur le parking du bâtiment, monte dedans et j'ai à peine mis le contact que quelqu'un toque à la vitre côté conducteur. Je l'abaisse, c'est Rose. 

- Hadidja te cherche ! Tu rentres manger chez toi ? 

- Non, je dis. Je suis malade, je ne reviens pas cet après-midi. 

Elle hoche la tête, et je lui souhaite bon courage pour la suite de la journée avant de démarrer ; je n'ai pas la foi de prétendre que tout va bien aujourd'hui. Je ne l'aurais déjà pas eu si cette matinée s'était contentée d'être une petite visite au cimetière, mais alors avec cette conversation que j'ai eu avec Ren, je l'ai encore vraiment moins. Je conduis jusqu'à chez moi, avale un bol de céréales en guise de repas et monte me coucher, épuisée et vidée. Je m'enferme dans le noir, allongée dans ce lit que j'ai partagé avec Lauren, et même si je sais que ce n'est pas bien, que je dois couper le cordon, je m'imagine qu'elle est toujours là. Juste pour aujourd'hui. J'imagine ses mains, son odeur, ses cheveux, son rire qui tinte contre les murs de cette maison dans laquelle nous devions commencer notre vie ensemble. Les heures passent sans que je les voient défiler, et déchirée par la tournée de cette journée, je craque et j'attrape mon téléphone avant de composer le numéro d'Alina. 

Parce que je ne peux plus supporter que Lauren soit la seule femme qui m'aie fait vivre. Parce que je veux avancer. Parce qu'il faut que j'oublie qu'elle est morte, parce qu'il faut que j'oublie ce que m'a dit Ren. Parce que je suis à la dérive et que j'ai besoin d'avoir une ancre sinon je vais partir et pour de bon. Parce que cette femme est juste là, qu'elle me veut, qu'elle me donnera ce que je désire et je le sais. Elle décroche au bout de quatre tonalités, au moment où je m'apprête à raccrocher.

- Bonjour, Silene. 

- Alina, je murmure. 

- Ça va ? demande t-elle. 

- Tu peux venir chez moi ? 

- Ton appel tombe très bien, et la réponse est oui. J'arrive dans vingt minutes. 

Elle raccroche sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit et je passe les vingt minutes suivantes roulée en boule dans mon lit, en pyjama, à essuyer les quelques larmes qui persistent encore sur mon visage. La sonnerie retentit en bas ; je descends, pieds nus dans l'escalier, en silence, et lui ouvre la porte. Elle porte une chemise blanche et un pantalon marron avec son trench, on dirait une parisienne, ses cheveux blonds descendent sur ses clavicules, plus brillants que l'éclat dans ses yeux - ce qui est difficilement possible, puisqu'elle a un regard très perçant. Je referme la porte derrière moi. 

- Tu es sûre que ça va ? Pourquoi tu voulais que je vienne ? 

Je m'approche d'elle. 

 - J'ai besoin de quelque chose, Alina, je souffle.

Elle fronce les sourcils mais n'a pas l'air fermée pour autant. 

- Je veux que tu me touches. Embrasse-moi, sinon je vais... 

Je m'arrête dans ma phrase, les mots dégringolant sur mes lèvres trop vite et dans le désordre. 

- Je vais imploser. 

Elle écarte une mèche de cheveux de mon visage. 

- Je ne vais pas profiter de ta faiblesse, dit-elle.

- Tu l'a déjà fait, je souris. Recommence. Recommence, Alina. 

Sans un mot, elle plonge ses yeux bleus dans les miens et comme elle ne bouge pas, c'est moi qui l'embrasse. Je pose mes lèvres sur les siennes, je l'embrasse à pleine bouche, ma langue trouve la sienne naturellement comme si elles ne s'étaient jamais vraiment quittées. 

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant