LE PLOMB DANS L'ÂME

32.

- C'était très bon, je dis à Alina. 

Elle me sourit, complice, et je porte mon verre de vin à mes lèvres. Nous venons de finir le repas, et les autres débattent de leur prochaine mission - comme ça ne me concerne plus et que je n'ai qu'une hâte, partir de cette maison, je n'écoute que d'une oreille distraite. 

- C'est chez qui, l'after ? demande Teddy. 

- Ren, annonce Marcus. 

Richard fronce les sourcils. 

- Ça devait pas être chez toi, Marcus ? 

- Si mais je ne peux pas ce soir. Il y a mon cousin.

- On fait ça chez moi, confirme Ren. 

Tout le monde se lève d'un commun accord et j'ai le coeur qui bat plus fort d'un seul coup : cette fois, la fin est toute proche. Quand j'aurais franchi le seuil de cette porte, je n'y reviendrais jamais et cette histoire sera derrière moi pour de bon. J'attrape mon manteau alors qu'Alina étreint Richard. Je suis la dernière qu'elle prend dans ses bras, un peu plus longtemps que les autres, et quand elle se décolle enfin, je lui frotte le dos. 

- On garde contact ? propose t-elle. 

- Pas trop souvent, je ris faussement. 

Elle ricane avec moi et je prends mon sac à main. Devant moi, la file indienne des collègues d'Alina lui adresse quelques derniers mots puis nos sortons tous. 

- Tu viens avec nous, Silene. 

- Je ne sais pas trop, je dis. 

Je n'ai pas vraiment envie d'aller chez Ren avec l'ambiance qui règne entre lui et moi, et lui et les autres. 

- C'était pas une question, pouffe Teddy. 

Elle me donne l'adresse que je note dans le navigateur et l'homme-ténèbres ne dit rien, puis on se dit à tout de suite et je monte dans ma voiture avant de démarrer. Il n'habite pas très loin de chez Alina, dans un quartier pavillonnaire voisin et je cherche le numéro de la maison pendant au moins cinq minutes avant d'apercevoir la Chevrolet Impala noire. C'est une voiture de collection qui doit couter au moins deux fois le prix de ma maison. Le crime paye bien...  Des phares m'éclairent le visage et j'attends que Marcus descende pour moi aussi descendre de mon véhicule, et il entre sans frapper chez Ren, comme si c'était chez lui. Je ne sais pas trop ce que sont les after dans leur équipe, mais ça a l'air d'être quelque chose de courant et d'organisé entre eux ; au moins, je suis libérée d'Alina définitivement. Passer peu de temps avec ceux qui m'ont aussi aidée et qui m'ont fait tenir, car ils n'ont rien avoir avec la Comtesse, me sera sûrement bénéfique. 

J'observe le salon alors qu'on entre dans la pièce principale, plutôt sobre, pas vraiment décorée mais pas impersonnelle non plus. Comme chez Alina, c'est également assez grand, et il y a un énorme canapé qui trône au millieu. Tout est rangé parfaitement, mais j'ai presque l'impression que c'est comme si il ne vivait pas ici tellement que son salon ressemble à un modèle d'exposition des magasins d'ameublement. L'homme-ténèbres qui nous a entendu arriver s'avance vers nous en dénouant le bouton du col de sa chemise, désormais ouverte sur sa gorge, et je détourne le regard pour fixer la baie vitrée. 

- Whisky ? me demande Ren. 

Je hoche la tête. 

- Toi aussi ? 

- Ouais, confirme Marcus. 

On s'assoit dans le canapé pendant que Ren sort d'un placard une bouteille contenant un liquide ambré. La maison rayonne d'une ambiance semblable à Ren ; peu importe la lumière, ça sera sombre, peu importe le chauffage, il fera toujours un peu froid. En fait, j'ai l'impression qu'elle n'est pas habitée. La maison est presque au carré, propre, mais ça semble très vide, comme Ren n'y était jamais. Ou du moins, très peu. La porte d'entrée s'ouvre sur Teddy, ses talons à la main, essoufflée.