18.

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Pétrifiée, je tente tant bien que mal de reprendre mon souffle mais sentir la dague caresser ma peau m'effraie tellement que je n'y parviens même pas. Je suis pourtant exposée à la vue de tous avec un couteau sous la gorge mais ça ne paraît pas déranger Ren, qui me maintient tellement fort contre lui que je ne peux même plus bouger pour me débattre. J'avais déjà eu l'expérience de sa force surnaturelle quand il m'avait étranglée et j'avais prié pour ne plus jamais l'expérimenter mais on dirait bien que personne n'a entendu mes prières. 

- Ren, soupire son acolyte.

- J'avais dit à Alina que ce serait plus compliqué que prévu, gronde t-il par dessus la musique. 

- Lâche-là, demande Marcus. 

Je sens son souffle dans mes cheveux et soudainement, j'ai une douleur à la clavicule. L'étreinte se desserre à cet instant précis et je me dégage du plus vite que je peut en cherchant à voir ma clavicule droite. Il y a une petite blessure, comme une petite coupure qui saigne un peu, et je fixe Ren la bouche ouverte. Il vient de me couper. 

- Si vous pensez que je suis plus ouverte à vous aider maintenant, vous vous trompez. 

Marcus m'empoigne le bras et me fait avancer dans la foule ; je n'ai pas d'autres choix que de suivre, et on arrive devant le bar un peu moins bondé que tout à l'heure.

- Tu t'assois là et tu attends bien sagement. Tu va nous voir arriver et quand ça sera le cas...

- Tu nous suis, complète Ren. 

Il fait tourner la dague entre ses doigts et l'éclat qui reflète les lumières rouges m'arrive droit dans l'oeil comme par hasard. 

- Si tu ne le fais pas, dis adieu à ta rate et à tes cordes vocales, dit-il. 

Et je n'ai pas besoin qu'il parle plus fort, ses paroles me glacent sur place. Prise entre l'étau de ces deux hommes, en espérant toujours qu'un de mes amis me repère et vienne m'aider, je n'ai pas d'autre choix que de m'asseoir au bar à une chaise de libre. Je pose mes mains tremblantes sur mes genoux. Ren part devant et je le vois commencer à traverser la foule, puis Marcus m'adresse un dernier regard avant de le suivre. Je retiens mes larmes tant bien que mal en réalisant ce qu'il est en train de se passer : ils m'ont prise par surprise et m'ont forcé à être leur complice. Je suis complice d'un assassinat, ce soir. La gorge serrée, le coeur battant entraîné par la musique, ma respiration s'accélère. J'ai l'impression que tout le monde me regarde, que tout le monde sait ce que j'ai fait, que la police va débarquer en un instant pour venir me récupérer. 

- Ça va ? 

Je me retourne vivement. Le barman, concerné, a les sourcils froncés et fixe mon visage en attendant une réponse qui ne vient pas. Je finis par hocher la tête faiblement, transpirante, avec l'intime conviction qu'il a entendu toute la conversation et qu'il essaye juste de me retenir en attendant que le FBI déboule. Mes yeux scannent la foule. Une femme me regarde avec un petit sourire, me fait un petit clin d'oeil et retourner danser avec ses amies ; et si elle avait vu la dague de Ren ? 

- Je peux vous offrir un verre ? 

Je me retourne à nouveau. Un trentenaire est installée à deux sièges de moi et me regarde avec des yeux séducteurs. Le barman esquisse une moue moqueuse et mon doute se transforme en certitude. Tout le monde a vu et entendu ce qu'il s'est passé, et tout le monde veut que je reste exactement où je suis pour ne pas que je m'enfuie. Merde, merde, merde... Je cherche des yeux Marcus et Ren pour leur dire qu'ils sont grillés, mais impossible de les trouver. Une goutte de sueur dégouline sur ma tempe. 

- Vous êtes célibataire ? 

Les mots ne parviennent même plus à mon esprit. Tout ce à quoi je pense c'est m'échapper, trouver une porte de sortie : le problème c'est que si je sors de la boîte de nuit avant d'avoir vu les deux mercenaires je vais me faire tuer et si je reste ici, je vais me faire arrêter pour meurtre. Ma vision se trouble l'espace d'un instant. Réfléchis, Silene, réfléchis. Réfléchis. Ren et Marcus devront venir me chercher à un moment donné, de toute façon, non ? Alors autant aller me cacher quelque part. Ils viendront pour me récupérer, je leur dirais que les gens savent ce qu'ils ont fait, et alors ils me sortiront de là. 

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant