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Il retire la lame de ma chair et je pousse un nouveau cri sous le regard angoissé de la barmaid. Même le jour où il a voulu me tuer en m'étranglant, même le jour où il m'a planté cette exacte dague dans le ventre, je n'ai jamais vu autant de rage dans ses yeux. L'homme-ténèbres lève la lame, essuie le sang qui dégouline du métal sur mes lèvres encore tremblantes, la glisse dans sa poche et quitte le club sans se retourner. J'ignore le goût de mon propre sang qui s'imprime dans ma bouche et jette un coup d'oeil à ma cuisse, tremblante de douleur. Cette fois, je ne peux pas me défiler, il faut que j'aille aux urgences parce que c'est bien profond. Au moins cinq centimètres. Merde, merde, merde, en plus de ça j'ai cours demain... 

- Silene ! m'interpelle quelqu'un. 

Je me retourne. C'est Marcus, avec Alina qui court derrière lui. Ses yeux se posent sur mes lèvres tâchées de rouge et je prends une petite serviette pour m'essuyer la bouche alors qu'Alina arrive à mon niveau. 

- On a entendu crier. Ça va ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? 

- T'es un vampire ? questionne Marcus en me regardant nettoyer le sang de mes lèvres.

La blague m'aurait fait rire en temps normal, mais des larmes de douleur noient mes joues. Bordel ce que ça fait mal. 

- Dis-moi ce qu'il s'est passé. 

Je garde le silence en posant deux serviettes sur la plaie à ma cuisse. 

- C'est Ren ? 

Trois lettres qui font exploser la douleur dans mon estomac. Je ne suis que douleur. Dans ma tête, dans mon coeur, dans mon âme, dans mon corps, il n'y a que ça : de la souffrance. Et pas de mots pour expliquer ce que je ressens. 

- Il faut que je le sache, si c'est lui. Silene, parle-moi..., supplie Alina.

Marcus me tend d'autres serviettes pour tenter d'arrêter l'hémorragie et tentant le tout pour le tout, je secoue la tête négativement, en espérant que ça passe. 

- Pourquoi tu me mens ? souffle t-elle. Pourquoi tu le protèges ? 

- Un mec était bourré et il avait un couteau de chasse. Il est tombé et ça a fini dans sa jambe, je l'ai mis dehors.

La barmaid vient de me sauver la mise, et pas que la mienne d'ailleurs. Je ne sais pas pourquoi elle m'aide, pourquoi elle protège aussi Ren, mais elle l'a fait au bon moment et je ne vais certainement pas m'en plaindre. 

- Un taré, je grogne en retenant d'autres larmes. 

Comme la barmaid vient d'appuyer ma version, Alina capitule sans poser plus de questions  et m'aide à me lever avant de m'emmener à sa voiture pour me conduire à l'hôpital. Après quatre heures aux urgences, je ressors aux alentours de vingt-trois heures avec quatre point de suture à la cuisse, et sur le parking de l'hôpital, je prends Alina dans mes bras. 

- Désolé de te causer autant de problèmes. 

J'ai envie de vomir en sentant son odeur de rose entêtante, mais elle me frotte le dos, paisible. Elle est en train de gober tout ce que je lui raconte, elle ne le sais pas mais les rôles se sont inversés ; c'est moi qui la mène en bateau et pas l'inverse, elle est mon pion et pas l'inverse. Ça a quelque chose de très jouissif. 

- Ne t'inquiète pas. 

- Les prochains jours vont être chargés, mais je passerais sûrement le soir. 

Elle hoche la tête. 

- Ça va aller pour rentrer ? 

Marcus m'a ramené ma voiture et je fais tourner les clés dans la main, avant d'hocher la tête, de lui adresser un dernier sourire et de monter sur le siège conducteur. La première chose que je fais est de verrouiller les portières, puis je démarre et sors du parking afin de rentrer chez moi. Je me gare dans l'allée, et dans la pénombre, je distingue d'abbord une masse informe sur le porche, mais au fil des secondes qui passent, je vois que c'est Ren devant ma porte. Une cigarette aux lèvres. Je sors, tendue, mais déterminée à avoir cette conversation s'est déjà finie une première fois dans un bain de sang, et boîte jusqu'aux marches. Sans un mot, j'ouvre la porte et on entre tous les deux ; j'allume toutes les lumières, ferme les volets et quand j'ai déposé mon sac par terre, je me tourne enfin vers lui. 

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant