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REN 


Je monte lentement les escaliers en silence, mon sac toujours à la main. La maison est silencieuse, si silencieuse que je me demande si Silene n'est pas partie - ce qui serait totalement possible. Je pénètre dans ma chambre plongée dans la semi-obscurité, et il y a quelqu'un dans mon lit de l'autre côté de là où je dors normalement. Elle est bien là. Je pose mon sac en silence, attrape un tee-shirt et un bas de jogging pour aller dormir en bas dans la chambre d'amis, mais elle se réveille d'un seul coup et se redresse dans le lit. 

- Ça va ? 

Sa question me laisse de marbre, comme une piqûre de morphine que j'accepte avec grand plaisir. Un ange passe. Je réalise brusquement qu'il faut que je réponde.

- Oui. 

Elle allume la lumière à côté d'elle pour vérifier que je ne suis pas blessé, ses yeux dévient sur mon corps à la recherche de la plus infime goutte de sang, du plus discret des bleus, puis elle éteint aussitôt. Les volets pas fermés laissent passer un peu de lumière de dehors et je la fixe dans le noir, sans bouger. Vingt-et-une heure quatre.

- Viens.

Ça n'a été qu'un murmure sorti de sa bouche mais je l'ai entendu, et je quitte la chambre, faisant l'opposé de ce qu'elle me dit pour aller dans la salle de bain. Je me déshabille, prend une douche brûlante et rêvet mon tee-shirt et mon bas de jogging avant de revenir dans la chambre en pensant qu'elle s'est rendormie. Mais ce n'est pas le cas. Elle attend. Elle m'attend. Je m'assois sur le bord du lit, dos à elle, de mon côté. Trois options qui s'offrent à moi. Deux, un, zéro, quatre. Il y a trop de symboles, trop d'enjeux, pas assez de temps et de possibilités exploitables. J'ai la tête vide et l'obscurité dans mon âme joue avec ma conscience. 

- Je suis là. 

C'est bien le problème, Silene. 

- La mer parle plus honnêtement à ceux qui sont prêts à se noyer. Dis-moi ce que je peux faire. 

- Rien, je dis.

- Avec toi c'est toujours " rien ". Je sais plus quand est-ce que je peux vraiment rien faire, réplique t-elle. 

Etrangement, ça me fait sourire. Je me tourne, soulève la couette et m'allonge à côté d'elle en cédant à ma tête qui cherche une nouvelle injection de morphine pour apaiser mes pensées tourmentées. J'en ai besoin, ce soir, plus que de voir mon frère, plus que de dormir, plus que de trouver une solution. 

- Ferme les yeux, je lui demande. 

- On est dans le noir.

- Putain, arrête de réfléchir et fais ce que je te dis. 

Elle soupire, je tourne la tête et elle a les yeux fermés. 

- Je m'apelle Niklas Ievseïev. 

Je ferme les yeux à mon tour parce que je n'ai pas envie de la voir, qu'on soit dans le noir je m'en fiche, je ne veux pas savoir si elle aime mon prénom ou pas, je ne veux pas assister à sa réaction. Elle doit m'avoir vu les paupières closes, parce qu'elle saisit ma main sous les draps. Et au début, je me dégage subtilement ; pas besoin d'en faire un truc poétique ou beau. C'est un nom, rien de plus. Mais elle persiste et je m'immobilise quand ses doigts enserrent fermement les miens comme si elle me disait implicitement qu'elle ne me lâcherait pas. 

- J'ai été celle qu'on plaint, pour qui on pleure, qu'on essaye d'aider, j'ai été celle au destin tragique aussi, j'ai été celle qu'on regarde dans la rue parce que sa fiancée est morte et que c'est triste. Je sais ce que ça fait, Ren, quand les autres ont pitié de toi.

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant