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Quand je me réveille ensuite, je suis étendue par terre au beau millieu de mon salon, toute seule et dans le noir. Le silence me fait mal au oreilles et j'ai l'impression de revivre la même chose que ce qu'il s'est passé le jour où j'ai bondi pour prendre ce coup de couteau à la place de Ren : tout mon corps est douloureux, engourdi, chaque respiration me lance et chaque mouvement est un supplice. Je reste allongée sans bouger et ferme les yeux pour empêcher mes larmes de peur de couler. Alina m'a empoisonnée mais pas suffisamment pour me tuer, et sachant de quoi elle est capable, je me demande si c'est intentionnel ou pas. Mais je suis contente d'être en vie. Les vertiges n'ont cependant pas disparus et je met une dizaine de minutes avant d'arriver à me redresser pour m'adosser au pied du fauteuil et reprendre mon souffle. Je me motive ensuite à monter les escaliers pour me rendre dans la salle de bain et vomis pendant au moins une heure, soixante minutes qui me laissent transpirante et épuisée. 

Le pire, c'est que ce n'est même pas étonnant de sa part d'avoir fait ça. Et ça me rend dingue.

- Salope, je murmure en fermant le battant des toilettes et en m'adossant au mur.

L'horloge dans la salle de bain indique qu'il est presque sept heures du matin, et comme je me sens un peu mieux, je m'habille lentement. J'ai du dormir un bon bout de temps avec la dose qu'elle m'a donné... Un pantalon noir, un pull noir, mes Converses et j'attache mes cheveux avant de sauter dans ma voiture et de conduire jusqu'au premier laboratoire que je trouve, en quête de réponses.

- Bonjour, je dis à l'hôtesse d'accueil. J'ai été droguée à une soirée hier et j'aimerais savoir ce que c'est. 

Elle me donne un formulaire à remplir et après un peu d'attente, je vais faire ma prise de sang. J'ai deux hypothèses : soit Alina m'a drogué pour me faire peur et je n'ai jamais réellement été en danger de mort, soit elle m'a empoisonné dans l'espoir de me tuer. Il faut que je sache. 

- Vous recevrez les résultat ce soir, m'indique l'infirmière en posant un pansement sur le creux de mon coude. 

Je hoche la tête, vais payer les frais et repart avec le formulaire. Avoir pris l'air me remotive, et j'ignore mes maux de tête et mes nausées pour remonter dans la voiture, parce que j'ai autre chose à faire que de m'apitoyer sur mes états d'âme. Parce qu'il y a plus grave que ça. Il y a Ren qui a disparu de la circulation. Je fais une liste de tous les endroits où je dois aller chercher et c'est en essayant de trouver mes affaires que je me rends compte que je suis très colère ; Alina s'en est pris frontalement à moi ce qui en fait officiellement mon ennemie, et j'attrape un carnet qui traînait dans la boîte à gants et un stylo. Il me faut trente minutes pour écrire la liste tellement que j'ai l'impression que mon cerveau fonctionne au ralenti, mais je ne me défile pas et prend la route jusqu'au cimetière. Je m'avance entre les tombes et les regarde unes à unes, jusqu'à trouver l'endroit où est enterré le frère de Ren. Les lettres noires me rappellent à quel point la réalité des choses est dure, mais elles m'apportent aussi un indice.

Aleksandr Ievseïev. 

Le vrai nom de famille de Ren n'est pas Woodward mais Ievseïev, et je me doute que c'est un patronyme qui doit être slave vu la consonance et l'orthographe du prénom de son frère. Je regarde autour de moi ; aucune trace de l'homme-ténèbres. Il n'est pas là. Je traverse en diagonale l'allée pour aller m'accroupir devant la tombe de Lauren, et caresse la pierre du bout des doigts. 

- Je reviens bientôt. 

Je me relève avec un vertige et marche pour sortir du cimetière avant de remonter dans ma voiture, déçue mais pas démotivée pour autant. Je raye cet endroit sur ma liste et démarre pour aller au prochain endroit, le pont qui enjambe la quatre voies. On ne sait jamais, je pourrais avoir une mauvais surprise mais il faut que je sache de toute façon. Je finis par débouler sur la route et me gare sur le bande d'arrêt d'urgence en priant pour qu'aucun officier de police n'arrive, puis regarde autour de moi. Les voitures traversent le pont, mais pas de signe de Ren. Je me penche par dessus la barrière en ignorant les véhicules qui me klaxonnent ; en bas, rien que l'asphalte et le flux habituel de l'heure de pointe. Je remonte dans ma voiture, met mon clignotant et m'insère sur la voie pour repartir en serrant les dents sous le coup de cette nouvelle déception. Je dois m'arrêter un peu plus loin pour vomir dans l'herbe, et en profite pour rayer sur la liste les mots " pont quatre voies ", ce qui ne me laisse presque plus d'hypothèses pour la suite. Je prends la direction du centre-ville et manque de vomir sur le volant mais je tiens bon, motivée à retrouver Ren. Sa situation m'inquiète plus que la tentative de meurtre à laquelle je viens d'échapper, c'est peut-être paradoxal, mais étrangement je sais qu'il faut que je continue à chercher. Je sais que mon empoisonnement n'est qu'un détail face à l'ampleur de la situation ; bientôt, Marcus va péter un plomb, Teddy aussi et c'est sans parler d'Alina qui pourrait revenir terminer le travail. 

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant