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En silence, je descend de la Chevrolet de Ren. Plus aucun de nous ne parle depuis que nous avons quitté ma maison et je me demande bien ce qu'il pense. Moi, je n'arrive plus à réfléchir. Je viens de me faire livrer au diable sans une once de remords, sans pitié, et il est impossible de comprendre comment nous en sommes arrivés à deux extrêmes comme ceux-là. 

On a passé une nuit ensemble il y a vingt-quatre heures.

Et là, il m'amène à Alina comme une prisonnière de guerre. 

Je suis sa punition. Je l'ai toujours été. Au moment précis où Alina a su cette histoire d'attaque au musée, à  partir de l'instant où elle a compris que ma présence au QG dérangeait Ren au point qu'il veuille me tuer de ses propres mains, elle a eu un appui solide sur lui. Et elle s'en est servie. J'inspire à fond pour ne pas m'évanouir quand on rentre dans le club blindé, et je jette un oeil autour de moi pour voir seulement l'ombre de la Comtesse qui plane sur la salle ; les lumières rouges, roses et jaunes, l'argent qui vole en l'air comme si il pleuvait des billets, la musique assourdissante, les cris et les sifflement des hommes avides de chair, les danseuses à moitié nues sur la scène, la débauche, la luxure, et surtout, la mort. La mort a une odeur, celle de la rose, celle du parfum d'Alina. 

- Avance, m'ordonne t-il sans aucune émotion dans la voix.

En détournant les yeux de la salle, je m'exécute et avance jusqu'au couloir. Il m'empoigne par le coude fermement pour être sûre que je ne m'échappe pas, ouvre la troisième porte et on descend les escaliers jusqu'à l'autre porte au digicode. Je voudrais lui dire qu'il n'a pas besoin de me faire mal comme ça, de m'attraper, qu'on a dépassé ce stade, mais je n'y arrive pas. Je voudrais le faire mais j'en suis incapable parce que j'ai trop mal. Il tape les chiffres et un voyant vert habituel s'allume ; un cliquetis suit et il pousse le battant lentement. La première chose que je distingue, c'est Teddy assise sur le canapé, courbée, les coudes sur les genoux. Puis il y a un mouvement de panique dans le QG quand la porte se referme derrière nous. Elle se lève en hurlant quand elle nous aperçoit, se rue vers nous avec une arme dans la main et mes yeux s'écarquillent. Ren s'adosse brusquement à la porte pour la fermer, me place devant lui comme un bouclier humain et Teddy s'arrête net. Un coup de feu suit, impossible de savoir où il est parti, puis il y a des pas rapides, et alors que la brune nous pointe toujours avec le canon d'un revolver, les mains tremblantes, Alina accourt avec Richard. 

- D'accord, out le monde se calme, demande t-elle posément. Teddy, recule. 

- Espèce de fils de pute, crache t-elle en regardant Ren. Je croyais qu'on étais amis. 

Je ne sais pas si les larmes dans ses yeux sont de la tristesse ou de la colère mais je n'aime pas beaucoup être le bouclier humain de quelqu'un, d'autant plus au millieu de mercenaires. Mon coeur bat dans ma tempe. Je vais perdre la vie ce soir, je le sens, il est temps que je fasse mes adieux.

- Ça n'a rien a voir avec toi, déclare l'homme-ténèbres. Recule;

Je sens ses cordes vocales vibrer contre ma tête, plaquée contre lui. Mon cerveau disjoncte face à la situation. J'ai l'impression d'avoir débarqué au millieu d'une guérilla et je ne reconnais plus Ren ; il me livre à Alina comme si je ne représentais rien du tout, comme si il ne s'était rien passé, puis  il se sert de moi pour se protéger lui, se fichant de ma sécurité et de ma vie. Ce n'est pas comme si il n'avait jamais essayé de me tuer, mais là c'est différent. Des choses sont arrivées. Il y a un truc qui nous lie. Et nous le savons tous les deux. Alors pourquoi me fait-il ça ? 

- Teddy, bouge, répète la Comtesse. 

- T'a pas honte, hurle Teddy en retour, folle de rage. On t'a couvert combien de fois ? Combien de fois on a passé sous silence ce que tu faisais ? Combien de fois ? Tu me dis que tu m'apprécies, qu'on est potes et après tu fais ça ?

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant