12.

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- Merde, Silene, fais gaffe ! s'énerve Charles. 

- Désolé, je murmure. J'avais pas vu. 

J'éponge le liquide sur la table. Tous réunis pour fêter les vacances ce soir, nous mangeons chez Hadidja, là où il y a de la place. Nous avons commandé chinois et cette table ressemble à un buffet ; seul problème, dans quelques heures, je devrais retourner voir Alina pour lui faire part de ce que je pense de son offre. Et croyez-le ou non, mais je n'ai pas réussi à prendre de décision. Je ne sais pas quoi décider entre ce que je devrais faire, ce que j'ai besoin de faire et ce que je voudrais faire, c'est un casse-tête qui n'en finit pas et qui me ronge. De toute façon, peu importe la décision, ça aura des conséquences pour moi... J'ai fini, d'épuisement, par mettre ce dilemme dans un coin de ma tête et me concentrer sur la dernière semaine de cours : c'était ça ou perdre pied.

- Je reviens. 

Je me lève parmi les conversations et monte à l'étage pour aller dans la salle de bain, submergée par la réalisation que j'ai de cette situation qui me met dans une position impossible. Je vais devoir trouver une solution très vite, où je risque de me faire tuer par Alina. Au sens littéral du terme, parce que c'est ce que les gens comme elle font. Je suis carrément étonnée que ce ne soit toujours pas le cas et... 

- Ça va ? 

Ma tête se tourne toute seule. Will se tient dans l'encadrure de la porte de la salle de bain, un sourcil dressé, me fixe, et je souris maladroitement en acquiesçant. 

- T'es ailleurs. 

- Quoi ? 

- Y'a pas que moi qui ai remarqué. Depuis la soirée d'Halloween, t'es ailleurs... Il s'est passé un truc ? 

Je repense à l'image de Ren le pianiste en train de fumer dehors. C'était juste avant de me faire invectiver par Alina et presque embaucher dans la mafia ou je-ne-sais-quel gang de rue, et l'angoisse remonte d'un seul coup.

- Non, pas du tout, rien à voir, je dis précipitamment.

- Donc il y a bien quelque chose, déclare t-il. 

Je lève les yeux au ciel. 

- T'inquiète pas. Les vacances vont me faire du bien ! 

- Tu sais que on est là si tu as besoin. 

Mon sourire conciliant le rassure un peu et il repart dans les escaliers. Tu as eu chaud, souffle une part de ma conscience. Je n'ai même pas rendu ma décision à Alina et j'ai déjà peur de me faire prendre, comme une gamine attrapée la main dans le sac en train de voler les bonbons. C'est très désagréable, et pour faire passer cette sensation je me passe de l'eau sur le visage avant de redescendre. La soirée se passe tranquillement sauf au moment de mon départ ; Axel, qui a un peu bu, m'harcèle pour savoir pourquoi je m'en vais rapidement. Bien sûr, impossible de lui dire qu'un chauffeur m'attend devant chez moi. Impossible de lui dire ce que j'ai vu et ce que je sais. 

- Laisse-le, il est dans son trip, pouffe Charles. 

Je mets mon manteau. 

- Allez, dis-nous, hurle Axel. Tu va baiser avec quelqu'un ? 

Il y a un petit silence.

- Axel, tait-toi, le fustige Rose.

- Silene a un plan cul, fanfaronne t-il. Et dire que je t'aurais tout donné ! 

Quoi ? Je déglutis et tous les bruits s'arrêtent définitivement. 

- À la tienne, ricane t-il en levant son verre. 

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant