Chapitre 9

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— Théo ! 

Une voix familière m’appelle et je me retourne, enfin libéré de mon engourdissement. Je secoue la tête pour reprendre mes esprits, soulagé de tomber sur Émile. 

— Salut ! 

J'essaie de lui sourire, ce qui ne semble pas très bien fonctionner. 

— Tu vas bien ? s’inquiète-t-il en louchant sur mon foulard. Est-ce que tu as… 

Il s’interrompt, hésitant. Je soupire. 

— Je n’en ai parlé à personne, ne t’inquiète pas. 

Et c'est sans doute mieux, vu la réaction du type de tout à l'heure. Pour le coup, lui, a bien une tête de trafiquant. Je l'imagine bien couler ses ennemis dans du béton pendant son temps libre. J'aimerais autant m'éviter ce triste sort. Je suis trop jeune pour mourir. Surtout dans du béton. 

Ma peau est parcourue de frissons et je croise instinctivement les bras. 

— Allons à l'intérieur, suggère Émile en me prenant par le bras. Tu ne crains rien, ici. 

Je me laisse entraîner, un tantinet vexé. Ai-je l'air d'un trouillard ? 

L'intérieur du lycée est aussi réjouissant que sa façade. Nous parcourons un long couloir éclairé par des néons qui clignotent faiblement, au milieu d'une foule d'élèves aussi trempés que moi. Les conversations vont bon train tandis que chacun s'empresse de raconter ses vacances. J'ai un petit pincement au cœur en songeant à Vincent et à mon ancien lycée. 

Tout le monde me fixe sur mon passage. Il ne doit pas avoir souvent de nouveaux, dans cette ville, et surtout pas à la rentrée des vacances de Pâques. J'entends clairement une fille chuchoter à son amie : "c'est le mec de Martin". 

J'ai envie de me retourner pour dire : "quoi ? Non ! N'importe quoi !". Mais ça ne servirait qu'à me faire encore plus remarquer. 

Émile me pousse devant trois adolescents qui traînent devant une salle de classe. 

— Voici Noémie, Simon et Joséphine. Ils sont tous les trois de la m… euh… se sont des amis. 

Noémie est une grande fille aux cheveux bruns bouclés. Ses lunettes lui donnent un air studieux. Simon est un garçon un peu maigre toujours en mouvement. Il ne semble pas capable de rester immobile plus d'une seconde ou deux. Quant à Joséphine, elle est blonde, plutôt chétive et garde les yeux timidement baissés. 

— Bienvenu dans la meute, me dit Noémie en ouvrant grand les bras. 

Les trois autres lui font aussitôt les gros yeux comme si elle avait fait une gaffe. 

— Je voulais dire, dans la ville, se corrige-t-elle maladroitement. 

— Hum, merci, je marmonne en faisant comme si je n’avais rien remarqué. 

Ils regardent tous les quatre en direction de mon cou et j'obtiens la conviction qu'ils devinent parfaitement ce qui se cache sous ce foulard. Ils doivent faire partie du gang local car ils diffusent cette odeur particulière que je n'arrête pas de renifler partout. Celle de la fille menue, Joséphine, est un peu plus douce. Presque agréable, en fait. 

Maintenant que j'y fais attention, je remarque qu'un certain nombre de jeunes sentent bizarrement, et même l'un des professeur qui passe à quelques mètres de moi. Mais pas la majorité des personnes présentes. Le garçon qui me bouscule pour avancer plus vite diffuse une odeur tout ce qu'il y a de plus normal, comme mes anciens camarades de classe de Paris. 

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant