Chapitre 29

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Je suis le premier surpris de ma brusque question. Je vois mes parents se figer et la pièce se retrouve plongée dans un silence à couper au couteau. 

Ploc ploc.

De la sauce tomate coule goutte à goutte de la fourchette toujours levée de mon père. En d'autres circonstances, j'aurais pu trouver cela drôle.

Je me dandine sur ma chaise. Qu'est-ce qui m'a pris ? Je ne voulais pas leur demander cela du tout ! Certes, j'avais dit "n'importe quoi", mais n'importe quoi sauf ça ! Pourquoi faut-il toujours que ma bouche agisse plus vite que mon cerveau ?!  Je suis stupide, ou quoi ? Je pourrais peut-être prétendre que je viens de sortir une blague ? Oui, je vais faire cela ! Je vais me mettre à rire d'un ton léger et changer encore de sujet comme si de rien était.

Ploc ploc.

J'essaie de mettre mon plan en exécution, mais il ne fonctionne pas très bien. Mon rire léger ressemble plutôt à une sorte de hennissement hystérique et mes parents ne semblent pas du tout s'y laisser prendre. Ils me regardent toujours, les yeux exorbités, comme si venais brusquement de me métamorphoser sans prévenir en gros canari. Ou en loup (ce qui serait vaguement plus crédible).

Au fond, c'est peut-être mieux. Il fallait bien aborder le problème un jour ou l'autre, non ? Et puis je vais finir par exploser si je n'ai pas la réponse à cette question qui m'empêche de dormir.

Ma mère est la première à retrouver la parole.

— Lapin..., murmure-t-elle d'une voix blanche.

Elle paraît trop bouleversée pour continuer et je me tourne vers mon père dans l'attente d'éclaircissements. Il finit enfin par poser sa fourchette après avoir allégrement taché la nape.

— Comment l'as-tu appris ? demande-t-il.

— J'ai trouvé une photo au grenier. Avec un bébé qui n'était clairement pas moi.

Ma voix se brise. Ma mère se lève d'un bond et vient me serrer dans ses bras. Des larmes coulent sur mes joues et je les essuie discrètement.

— Mon chéri, déclare ma mère d'une voix tout aussi tremblottante que la mienne. Sache tout d'abord que nous t'aimons plus que tout autre au monde.

Mon père pose une main sur mon épaule.

— Tu es notre fils, Théo. Même si nous ne partageons pas le même sang.

— Alors c'est vrai ? je sanglote. Vous m'avez vraiment adopté ?

Je ne fais même plus l'effort de cacher que je pleure et ma mère m'enlace entre plus fort. Si elle continue, elle va finir par m'étouffer.

Mes parents échangent un regard résolu.

— Oui.

— Pourquoi ne me l'avez-vous jamais dit ?

— Nous avions promis de ne pas le faire.

— Promis ? Promis à qui ?

Mes parents se regardent à nouveau et communiquent par télépathie, comme à leur habitude. Ma mère reprend la parole, les yeux pleins de larmes.

— Je suis tombée enceinte de ton père il y a environ dix-sept ans de cela. Neuf mois plus tard, j'ai accouché de la petite fille que tu as dû voir sur les photographies. Elle se nommait Flore. D... deux jours après sa naissance, elle... elle... Elle avait une malformation aux poumons non détectée, et...

Ma mère cesse de parler, trop bouleversée pour continuer. Je prends sa main dans la mienne pour lui apporter du réconfort.

— Je suis désolé...

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant