Chapitre 44

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— Ainsi donc, Théo ne serait qu’un demi-loup et il est incapable de se transformer, résume Stéphane d'un ton neutre. 

Martin acquiesce tandis que je me recroqueville pour me faire tout petit, désolé de ne pas disposer de la capacité de me rendre invisible. 

— Oui. 

Je baisse les yeux pour contempler mes mains, très embarrassé. Je suis assis sur le canapé du salon, blotti contre Martin qui ne m'a toujours pas lâché (et encore heureux !). J'imagine que, de loin, nous devons ressembler à des sortes de jumeaux siamois incapables de se séparer. M. et Mme Imbert ont pris place sur deux fauteuils en face de nous. Stéphane est resté debout et s’appuie contre la porte, les bras croisés. 

— Tu aurais dû nous faire part de ces éléments, Martin, soupire M. Imbert. 

Je me recroqueville encore plus, même si ce n’est pas directement à moi qu’est lancé ce reproche. 

— Je suis désolé… 

Martin me presse aussitôt le genou. 

— Tu n’as pas à l’être. Ce n’est pas de ta faute. 

Je lui jette un regard navré. 

— Je vous apporte des ennuis… 

— Mais non ! s'obstine l'alpha en fronçant les sourcils. 

Je ne suis cependant pas certain de pouvoir le croire. J'ai de plus en plus l'impression que Martin n'est pas toujours très objectif pour tout ce qui me concerne. 

— Tu n’as pas à t’en faire Théo, m’affirme cependant la mère de l'alpha avec douceur. Nous trouverons un moyen de régler le problème. Tu fais partie de notre meute et tu es le lié de notre fils. Tu es sous notre protection. 

Son mari et Stéphane hochent solennellement la tête et je me sens un tout petit peu mieux. J'étais persuadé qu'ils seraient furieux d'apprendre ma véritable nature et qu'ils demanderaient à Martin de se séparer de moi. Qu'est-ce que je ferais sans lui ? Je… je crois que j'ai fini par m'habituer à être suivi partout par un pervers. Après tout, cela n'est pas si désagréable. Cela m'évite d'aller au lycée à pied, par exemple. C'est bien pratique les jours de pluie. Oui, oui. 

Stéphane se met à déambuler au milieu du salon. J’essaie de le suivre du regard et cela me donne bien vite le tournis. 

— Il nous faut établir un plan. Et riposter. 

— Commençons déjà par mettre Théo en sûreté, nuance son père. 

— On ne pourrait pas aller voir la police ? je propose timidement. 

Stéphane hausse un sourcil. 

— Pour leur dire quoi ? Que des loups-garous cherchent à t'enlever parce que tu as toi-même un petit problème de transformation ? 

Je pince les lèvres, vexé tandis que Martin fusille son frère du regard. 

— On pourrait inventer une histoire plus vraisemblable, je riposte. 

M. Imbert secoue la tête. 

— Non, pas la police. Nous ne la mêlons jamais à nos histoires. Sans compter que plusieurs loups Raspail y travaillent. 

J'ouvre de grands yeux effarés. 

— Les Raspail ont infiltré la police ? 

Les Imbert paraissent surpris. 

— Non, répond le chef de meute. Ils y travaillent, tout simplement. Il faut bien gagner sa vie, n’est-ce pas ? Et les loups raffolent des métiers d'action. Mais il est vrai que leur position leur permet sans doute de veiller à préserver notre incognito aux yeux des humains, ce qui peut se révéler utile, bien sûr. 

Je songe soudain à quelque chose qui me glace le sang. 

— Et si les Raspail s'en prenaient à mes parents en représailles ? je demande, angoissé. 

J’imagine soudain les Raspail devant la maison. Papa et Maman seraient bien incapables de se défendre. 

M. Imbert secoue la tête d'un air catégorique. 

— S'en prendre à des innocents ne fait pas partie du code moral des loups, affirme-t-il. 

Cet argument ne parvient pas franchement à me convaincre. Après tout, je suis agressé alors que je suis innocent. Je n'ai jamais demandé à naître. Les coupables sont mes parents biologiques. Ils n'avaient qu'à ne pas fricoter, comme dirait Martin. Je ne comprends vraiment pas pourquoi toutes les personnes qui m’entourent sont autant obsédées par le fricotage. Pour ma part, il m’arrive de penser à autre chose, tout de même. Et heureusement !  

— Nous allons te mettre à l'abri un moment, décide la chef de meute. Nous possédons un repaire secret de l'autre côté des bois. Martin et toi pourrez vous y cacher le temps que nous trouvions une meilleure solution. 

Je m'imagine aussitôt coincé pendant des semaines avec Martin dans une sorte d'abri anti-atomique souterrain. Qu'est-ce que nous allons y faire ? J'espère qu'il y a une connexion Netflix ! Et une bonne réserve de jeux de société. Si seulement je n'avais pas perdu mon exemplaire de Madame Bovary

Martin pose une main sur mon bras. 

— Ne t'inquiète pas. On y sera bien. L'abri est très confortable. 

Je fronce les sourcils. Confortable ? Apparemment, ce pervers a d'autres activités en tête qu'une partie de Monopoly. Et s'il profitait de ce petit séjour en tête à tête pour… pour… Pour fricoter

J'ai l'impression qu'une moitié de mon visage blêmit tandis que l'autre rougit, ce qui doit me donner un air très bizarre. Personne ne fait heureusement attention à moi tant les loups sont occupés à mettre en place leur plan d'action. Et quand je parle d’action, je ne veux évidemment pas parler de… de… 

— Allez-y en courant, suggère Mme Imbert. Tu pourras porter Théo et cela serait plus discret. Pendant ce temps-là, nous allons nous charger d’effectuer une petite diversion pour attirer l’attention des Raspail. 

Martin acquiesce et je finis par comprendre que "en courant" signifie qu'il va se transformer et "porter Théo" que je vais devoir monter sur son dos. Je grimace, n'étant pas un grand amateur de ce moyen de locomotion. N'aurait-il pas été plus simple de prendre tout simplement la voiture ? Ou même une bicyclette ? 

Martin retire déjà son pull et je n’ai même pas le temps de me cacher les yeux. De toute façon, cela aurait été stupide de le faire devant la famille Imbert au grand complet. Je me suis déjà ridiculisé sur ce sujet tout à l'heure auprès des Raspail. Autant conserver ce qui me reste de dignité. À supposer que j'y arrive. Ou qu'il m'en reste, tout simplement. 

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant