Chapitre 10

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Je quitte l'enceinte du lycée au pas de course, le cœur battant comme un fou. J'ai encore deux heures de français après le déjeuner mais je ne supporterai pas de rester dans les parages une seconde de plus. C'est la toute première fois que je vais sécher un cours. Je vais obtenir auprès de l'administration la réputation d'être un délinquant endurci. Mes parents vont certainement l'apprendre et me faire la morale pendant des heures, mais... 

Je secoue frénétiquement la tête en me dirigeant vers la forêt. Je ressens un besoin viscéral de courir pour me vider l'esprit.

J'ai l'impression de renaître en atteignant les bois et je prends de grandes bouffées d'oxygène. Puis je commence aussitôt ma course. Habituellement, je serais passé avant à la maison pour poser mon sac de cours et enfiler un jogging confortable. Aujourd'hui je n'ai pas eu envie de prendre le temps de faire ce détour. Et puis Maman est à la maison, les lundis parce que c'est le jour de fermeture de la bibliothèque où elle va travailler et elle m'aurait demandé pourquoi je n'étais pas en cours de français. Elle a accroché une photocopie de mon emploi du temps sur le frigidaire, alors elle le connaît mieux que moi.

La forêt est magnifique, cet après-midi. Les nuages ont fini par s'estomper. Un mince rayon de soleil fait briller les feuilles vertes toutes neuves des châtaigniers. Cela ne suffit pas à me calmer complètement. Penser à ce Martin me rend fou. Je me remémore en frissonnant la phrase qu'il m'a sortie : "Je désire que tu passes le reste de ton existence à mes côtés". Une vraie réplique de psychopathe ! On a l'impression, en l'entendant, qu'il va me kidnapper et m'enchaîner nu à un mur dans une cave obscure.

Je me sens rougir à cette idée. Je secoue à nouveau la tête en continuant à courir. Ma mère a raison, j'ai peut-être un peu trop d'imagination. Je l'espère, du moins.

J'avance rapidement à grandes foulées. Il ne pleut plus, mais le sentier en terre battue s'est transformé en champ de boue. Je patauge dans la gadoue et mes chaussures et mon jeans sont bientôt couverts de taches brunâtres. Les lanières de mon sac à dos me font mal. Mes livres de cours sont lourds à porter. Mes poumons vont finir par exploser sous l'effort. Mais je ne veux pas m'arrêter. Je voudrais presque courir jusqu'à ce que mort s'ensuive. Au moins, cela réglerait tous mes problèmes.

Je m'enfonce toujours plus profondément dans la forêt. Elle semble s'étendre à l'infini. Je traverse une rivière assez étroite sur un petit pont en bois qui craque sous mes pas. Je ne savais pas qu'un cours d'eau passait par là. Il serpente au milieu des arbres. Quand j'aurai trouvé un moyen de me faire oublier du pervers, je reviendrai peut-être ici pour me promener. Les berges semblent magnifiques.

Je sursaute en entendant soudain des hurlements. Je m'arrête net, effrayé. Une chose est certaine : ces sons ne proviennent pas d'humains. On dirait... on dirait des bruits de chiens qui se battraient. Ils sont tout proches, quelque part droit devant moi.

J'avance de quelques pas jusqu'à me retrouver à l'entrée d'une petite clairière. Deux bêtes à quatre pattes se trouvent bien en son centre. Sauf que ce ne sont pas des chiens. Non. Les deux animaux que j'ai sous les yeux sont des loups. Des loups d'une taille gigantesque qui se tournent autour en grognant férocement. L'un est noir de la tête au bout des pattes. L'autre est d'une couleur plus claire qui me rappelle bizarrement quelque chose.

J'essaie de reculer tout doucement, pour ne pas me faire remarquer, mais je marche sur une petite branche qui craque avec un grand bruit. Les deux bêtes arrêtent aussitôt leur combat et tournent vers moi leurs yeux luisants. Le noir se dirigent lentement vers moi en grondant férocement, les dents retroussées.

Je voudrais hurler mais je suis bien trop effrayé pour ça. Je ferme les yeux, persuadé que ma dernière heure est arrivée. Dire que je vais finir dévorer par un loup ! Je savais bien que j'aurais dû rester à Paris ! Là bas on ne trouve que des pigeons. Et des rats et autres rongeurs, si on regarde attentivement les rails des métros. Mon Dieu, ma dernière pensée sera consacrée au métro ! C'est tellement nul !

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant