— Toi, là !Abandonnant Émile sans un regard en arrière, je me précipite tel une furie vers ma future victime en prenant soin d’afficher ma plus belle tête de tueur en série. Le sang va couler, aujourd'hui. L’heure de la revanche a sonné !
— Eh, TOI ! je répète plus fort parce que Martin continue d’avancer, plongé dans ses pensées.
À ma grande indignation, il s’obstine à me snober. Puis je remarque qu’il a des écouteurs enfoncés dans les oreilles. Ni une ni deux, je me précipite vers lui pour les lui arracher. Le jeune homme sursaute et se tourne enfin vers moi. Je vois ses yeux s'adoucir aussitôt. Il est manifestement heureux de me voir et cela ne fait que renforcer ma rage. Il n'a pas le droit d'être satisfait de me voir ! Il devrait au contraire trembler devant ma juste colère !
J'enfonce mon index dans sa poitrine aussi violemment que si je voulais la transpercer de part et d'autre. Et je commence mon attaque.
— Comment as-tu osé me marquer contre mon gré ?!
Le jeune homme fronce légèrement les sourcils. Il n'a même pas l'air d'avoir mal à la poitrine malgré ma violence.
— Tu m'as donné ton accord ! proteste-t-il avec méfiance.
Je secoue frénétiquement la tête.
— Je t'ai donné mon accord pour un suçon !
Et voilà. Je me donne à nouveau en spectacle au beau milieu du lycée. Tous les élèves qui traversent la cour nous fixent sans aucune discrétion, loups comme non loups. Je vais obtenir une réputation épouvantable dès ma deuxième journée. Mais je suis bien trop en colère pour m'en soucier à l'instant présent.
Martin pose sa main sur mon bras. Je fais un bond en l'air et me dégage aussitôt.
— Ne me touche pas, pervers !
Il laisse son bras retomber le long de son corps et se mord la lèvre d'un air frustré. Mon regard est automatiquement attiré par sa bouche et je pique aussitôt un fard. Pourquoi est-ce que je regarde sa bouche ? Elle n'a rien d'intéressant du tout ! Elle n’est pas particulièrement belle. Sans compter qu'elle n'a pas bon goût. Non non non.
— Je suis désolé.
Je plisse les paupières avec méfiance en entendant ces mots sortir de la bouche du pervers. Est-il réellement en train de s'excuser ? Il a pourtant tout du type tellement sûr de lui qu'il estime avoir raison en toutes circonstances.
— Tu crois que ça va suffir ? je grogne. D'être "désolé" ?
Qu'il ne s'attende pas à s'en tirer à aussi bon compte ! J’ai l’intention de le tuer et je serais bien capable de mettre ma menace à exécution ! Si je trouve une arme efficace, du moins. Et un moyen de ne pas finir en prison, tant qu’à faire.
Martin avance d'un pas vers moi, le visage sérieux.
— Je suis désolé d'être allé trop vite. Pas de t'avoir marqué. J'aurais fini par le faire un jour ou l'autre, n'est-ce pas ? Tu es mien et je suis tien.
Je recule.
— Non. Non ! Je…
Les mots me manquent devant tant de possessivité. Tout ce que je sais, c'est qu'il faut que j'évite de me faire hypnotiser par cet… cet alpha. Parce que c'est sans doute ainsi qu'il parvient à me vider le cerveau. Comme le soir où je croyais qu'il m'avait drogué. Je m'efforce de regarder vers le sol recouvert de traces de vieux chewing-gums et non droit vers ses yeux verts aux éclats dorés. Mais je relève aussitôt le visage en entendant la phrase suivante.
— Tu es mon âme-sœur, Théo. Et tu le sais.
Je secoue frénétiquement la tête, au bord de la crise de nerfs.
— Non je ne le sais pas ! Qu’est-ce que c'est encore que ce truc ? Non, ne me le dis pas ! Je ne veux rien savoir !
Je fais volte-face et me dirige à grands pas vers le lycée. Je ne veux pas être un loup. Je ne désire rien d'autre que d'être un lycéen lambda qui va en cours et…
— Théo.
Mon élan est soudain coupé lorsque Martin m'attrape par le poignet.
— Nous avons besoin de mettre les choses au point, tous les deux.
Je me tourne vers lui.
— Je t'ai déjà dit de ne pas me toucher !
Il me lâche lentement.
— Nous ne devrions pas discuter de cela au lycée. Les non-loups pourraient nous entendre. Viens faire une promenade avec moi.
Je croise les bras en secouant négativement la tête.
— Non. J'ai cours. Et toi aussi, on dirait.
Je désigne du menton son sac à dos.
Il hausse les épaules avec indifférence.
— Peu importe. Notre relation est bien plus importante que tous les cours du monde.
Mon cœur se met à battre plus vite. Comment peut-il sortir tout à coup des déclarations comme ça ? Il a l'intention de me faire mourir d'une crise cardiaque ?
— Rien n'est plus important que les cours, je rétorque avec véhémence.
Mes parents auraient applaudi des deux mains en entendant ma réplique digne d’un premier de classe. Mais je ne parviens pas à me convaincre moi-même. Et, évidemment, Martin ne fait même pas mine de me croire.
— Viens, me dit-il simplement en se dirigeant vers la direction inverse du lycée.
Et moi, comme un idiot, je lui emboîte le pas. Après tout, pour réussir à l'éliminer de ma vie, il faudra bien que je l'affronte à un moment ou à un autre. Autant le faire maintenant, sans témoin. Mais, alors que je m'apprêtais à ouvrir la bouche pour pourfendre mon adversaire, je vois Martin s'arrêter devant une petite voiture bleue et en déverrouiller les portes avec une télécommande.
Je regarde le véhicule en fronçant les sourcils, méfiant. Dans les films d'horreur, il est toujours fortement déconseillé de monter dans le véhicule du psychopathe. Martin a probablement l'intention de m'attirer dans son antre et de m'emprisonner à tout jamais pour… pour…
Hum. Je préfère ne pas imaginer pourquoi. Ça me donnerait des cauchemars. Ma vie ressemble déjà suffisamment à un film d'horreur comme ça.
Martin se penche brusquement vers moi et je fais un nouveau bond en l'air. Il semble amusé et enfonce ses mains dans ses poches.
— Ce n'est pas de moi dont tu as peur, tu sais ? lance-t-il. Non. C'est l'attirance que je provoque en toi qui t'effraie.
Il me fixe, un petit sourire aux lèvres.
— Tu as ton permis, au moins ? je marmonne pour cacher ma gêne.
Il sort une clef de voiture qu'il agite sous mon nez.
— Bien sûr. Nous ne sommes pas à Paris, ici. Nous passons notre permis dès nos dix-huit ans et je les ai eus il y a deux mois.
Je le pointe aussitôt à nouveau du doigt.
— Et bien moi non. Tu te livres donc à une tentative de détournement de mineur, espèce de pédophile !
Je lui jette un regard triomphant et il secoue la tête.
— Tu n'as qu'un an de moins que moi.
— Et alors ? Ça ne change rien à l'affaire, pervers !
— Bien sûr que si. Allez, monte.
Il ouvre la portière du côté passager et m'adresse un signe de tête galant.
— Si tu veux bien te donner la peine…, insiste-t-il.
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Le loup et moi (bxb) [terminée]
Romance//Gagnant wattys 2022 !// Entraîné par ses parents à l'autre bout du pays, Théo peine à trouver ses marques dans cette petite ville champêtre dressée en bordure de forêt. Ses habitants emploient des expressions inhabituelles et diffusent une curieu...