Pdv Théo
Je me réveille le lendemain matin de bonne humeur. Des rayons de soleil se faufilent à travers mes volets fermés. Une odeur me chatouille les narines. Une odeur merveilleuse. Celle de Martin.
Ai-je déjà dit que Martin sentait bon ?
Je baisse le regard sur mon matelas. Pas plus tard qu'hier, l'alpha y était allongé. Avec moi en-dessous, accessoirement. Les draps se sont imprégnés de sa senteur que j'ai pu renifler toute la nuit. Je les avais relevés jusqu'à mon nez. C'était... c'était... eh bien, agréable. Oui, ça allait. Cela ne veut pas dire que je suis prêt à recommencer l'expérience de sitôt, hein ?
Je tapote nerveusement mon dessus de lit. Je me demande jusqu'où Martin et moi serions allés, si nous n'avions pas été interrompus par son frère. Pas trop loin, j'espère.
Je me prends le visage entre les mains, très embarrassé. Allons, bon, voilà que je me mets à rougir tout seul. Le reste de la soirée a été plus calme, heureusement. Nous avons mangé tous ensemble, serrés comme des sardines dans le petit jardin. Mes parents avaient l'air tout contents et se sont bien entendus avec ceux de Martin. Heureusement, d'ailleurs. Je ne voudrais pas qu'il y ait des tensions entre nos deux familles. Parce que nous risquons de nous fréquenter souvent.
Quant à Stéphane, le grand frère de Martin, je ne sais pas encore très bien quoi penser de lui. Il ne faut pas oublier qu'il se moquait de Martin, lorsque ce dernier n'arrivait pas encore à se transformer en loup. Je ne trouve pas cette attitude très charitable.
Pour finir la soirée, nous avons grillé les marshmallows sur le barbecue et j'ai failli me brûler la langue.
Martin est resté tout près de moi pendant toute la durée du barbecue, sans me toucher pour autant. C'était presque... presque frustrant. Il faut croire que mon corps s'était habitué aux agissements suspects de ce pervers et qu'il était comme en manque. Il me faudrait envisager d'urgence une petite cure de désintoxication. Il ne manquerait plus que je devienne dépendant de cet alpha !
Je me précipite sous la douche pour me changer les idées. Je ne reste que quelques minutes sous l'eau avant d'enfiler les premiers vêtements qui me tombent sous la main. Encore une fois, je dédaigne mon foulard. De toute façon, qui dans cette ville ignore que j'ai été marqué ?
— Tu es bien guilleret, commente Maman quand je franchis la porte de la cuisine, un petit sourire aux lèvres.
Je lui plante un bisou sur la joue.
— C'est le beau temps.
Ma mère marmonne quelque chose qui ressemble à : "et le beau Martin". Je feins de n'avoir rien entendu avec la dignité qui s'impose et sors mes céréales pour manger rapidement.
Une fois rassasié, je fredonne tout seul en enfilant mon blouson. Je dis au revoir à mes parents et ouvre la porte. Il fait un temps toujours aussi magnifique. Je me sens tout léger parce que je vais voir Martin. Peut-être même que j'accepterai de déjeuner avec lui ce midi. Et d'aller faire un petit tour avec lui après les cours. S'il est sage, il est même envisageable que j'accepte de le laisser m'embrasser, dans ma grande mansuétude. Oui, je suis d'humeur magnanime, aujourd'hui.
Je sens mon portable vibrer dans ma poche. J'ouvre le message. Il est de Martin.
Mon frère a besoin de la voiture. Je ne peux pas venir te chercher. Désolé. On se retrouve au lycée ?
Je fronce les sourcils. Mon chauffeur ose me faire défaut au dernier moment ? Bon, j'ai largement le temps d'y aller à pied mais, tout de même...
Ma bonne humeur s'effrite légèrement. Puis je me rappelle que je dois lutter contre mon début de dépendance envers Martin. Oui, je n'ai pas besoin de lui. Je suis déjà allé tout seul au lycée. Je connais le chemin. Comment voulez-vous vous perdre, à Gardelune ? La ville ne doit comporter que quatre ou cinq rues à tout casser.
Je me mets en route. Une voiture me double. Puis une deuxième. Apparemment, je suis le seul être humain du coin à utiliser ses jambes comme moyen de locomotion. J'aurais peut-être dû proposer à Émile de faire route avec moi ? Non, je suis un jeune homme fort et indépendant. Je peux sortir seul.
La vue du lycée me procure une joie fort inhabituelle après mes vingt minutes de marche. Je suis prêt à pardonner à Martin son abandon s'il débarque dans cinq minutes. J'ai envie de le voir. De sentir son odeur. De le regarder sourire d'un air idiot quand ses yeux se poseront sur moi.
Tout excité, je trottine vers l'entrée lorsque je heurte un type grand comme une montagne.
— Une minute, l'oméga, déclare la montagne en question.
Je lève les yeux et tombe sur le visage hostile d'Éric Raspail. Mon cœur s'emballe.
— Qu'est-ce que tu me veux, l'alpha ? je grommelle pour combattre mon angoisse.
Le jeune homme grogne et je baisse aussitôt les yeux, mal à l'aise. Ce type ne me revient pas du tout. Martin est un alpha, lui aussi. Pourtant, quand je suis avec lui, je ne ressens pas cette sensation désagréable d'écrasement. Au contraire, je me sens en sécurité quand je le vois. Peut-être est-ce à cause de cette stupide histoire d'âmes sœurs. Ou juste parce qu'il est plus sympa qu'Éric. Je préfère encore un pervers somme toute gentil à un psychopathe sanguinaire.
— Toi et moi nous allons avoir une petite conversation, poursuit le psychopathe.
Il pose une main sur ma poitrine et me pousse en arrière.
Je foudroie Éric du regard.
— Si tu me touches encore une fois, Martin va te bouffer le cerveau, connard ! je lui crache à la figure avec hargne.
Ça ne lui fait pas peur du tout. Au contraire. Il étire les lèvres d'une façon réjouie.
— Qu'il essaie. Je l'attends de pied ferme. Emmenez-le.
La dernière phrase s'adresse à deux de ses sbires qui me prennent chacun par un bras et me poussent en direction d'un véhicule garé à un mètre de là.
— Mais... mais..., je proteste vigoureusement.
J'atterris à plat ventre dans l'arrière d'une camionnette, stupéfait. Suis-je en train de me faire enlever ? Je devrais peut-être appeler au secours ? Je m'apprête à ouvrir la bouche pour crier lorsque les portes sont claquées derrière moi.
— Haaa !
Je pousse le hurlement le plus fort de ma collection en bondissant sur mes pieds. Celui que j'avais sorti le jour où Émile s'était transformé devant moi. Mes ravisseurs se bouchent les oreilles en me fixant d'un air ennuyé. Il s'agit malheureusement de la seule réaction que je provoque. Ce qui n'est pas très étonnant. Les rues de Gardelune sont presque toujours vides. Qui pourrait m'entendre et me secourir ?
Je décide de refermer la bouche et d'économiser mes forces vocales. Je pourrais en avoir besoin plus tard. Et puis, je commence à avoir mal à la gorge. Je n'avais pas vraiment eu l'occasion de m'entraîner à crier, à Paris. Il faut dire que c'est la toute première fois de ma vie que je me fais kidnapper. Et la dernière, j'espère, car ce n'est pas une expérience très agréable.
La camionnette passe sur un nid de poule et je suis projeté sur le côté. Je heurte l'une des parois du véhicule et pousse une sorte de glapissement.
— Tu ferais mieux de t'asseoir, lance Éric.
Je lui jette un regard noir. Apparemment, il souhaite garder sa victime en bon état. Ou alors il aime juste donner des ordres, en bon alpha qu'il est.
La voiture fait un nouvel embardé et je suis balancé de l'autre côté. Je finis par me ranger bien malgré moi à l'avis d'Éric et m'assieds en tailleur dans un coin, les bras croisés et la mine renfrognée. Je foudroie du regard mes ravisseurs qui ne m'accordent cependant plus la moindre attention. L'un des types, un bêta, mange une barre de céréales en mettant des miettes partout. Éric est sur son portable, comme s'il avait parfaitement oublié ma présence.
Je pousse un profond soupir. Mais enfin, c'est tout de même incroyable ! Pourquoi faut-il qu'on m'empêche de voir Martin juste au moment où je commence à avoir envie de sa présence ! Le destin se fout de ma gueule, ou quoi ? La nature conspire avec lui pour me contrarier continuellement ? J'ai bien l'impression que oui !
On entre dans le dernier tiers de l'histoire ! La publication devrait se terminer début juillet.
VOUS LISEZ
Le loup et moi (bxb) [terminée]
Romance//Gagnant wattys 2022 !// Entraîné par ses parents à l'autre bout du pays, Théo peine à trouver ses marques dans cette petite ville champêtre dressée en bordure de forêt. Ses habitants emploient des expressions inhabituelles et diffusent une curieu...