Chapitre 1

26.8K 1.3K 565
                                    


— Et voilà la maison ! s'exclame joyeusement ma mère. C'est ici, le numéro 10 ! Comme elle est belle ! 

Mon père tourne le volant pour effectuer sa manœuvre. 

— Elle est magnifique, renchérit-il. Nous allons être très heureux ici, n'est-ce pas Théo ?

Il prononce ce dernier bout de phrase un peu plus fort, pour me faire réagir. Je jette un regard maussade à travers la vitre embuée de ma portière que j'essuie vaguement avec mon coude. Une vieille bicoque de taille moyenne s'élève sur notre droite. Sa façade usée par le temps est composée de pierres jaunâtres, exactement comme celles de toutes les autres maisons de la rue agglutinées les unes contre les autres. "Magnifique" n'est pas le terme que j'aurais choisi pour la décrire. Les volets décrépis auraient bien besoin d'un bon coup de peinture. L'un d'entre eux pend sur ses gonds et paraît prêt à achever de tomber d'une minute à l'autre. 

— Hum..., je grommelle, peu convaincu. 

Un mouvement attire mon regard. Une femme en tailleur bleu électrique nous adresse de grands signes depuis le seuil de la porte d'entrée. 

— Ah, comprend Maman. Cela doit être Mme Jean, de l'agence immobilière. C'est elle qui nous a procuré la maison.

Mon père fait reculer la voiture pour la garer. La rue est si étroite que nous bloquons pratiquement le passage. Heureusement que le trafic semble presque inexistant dans ce trou perdu. 

Je pousse un grognement en m'enfonçant plus profondément dans la banquette arrière. 

— On aurait au moins pu attendre l'été pour déménager, je me plains une énième fois. J'aurais pu finir l'année scolaire dans mon ancien lycée, avec mes amis. Là je vais être nouveau au mois d'avril ! 

Ma mère se retourne et me sourit. 

— Je sais mon chéri. Mais tu te feras de nouveaux camarades ici. Et tu pourras te rendre à ton établissement à pied. Finis les interminables transports en commun bondés ! 

— La proposition que nous a fait l'agence était inespérée, explique mon père d'un ton patient. Nous n'avons même pas eu besoin de négocier un crédit avec la banque. Cette maison devrait valoir au moins le double de ce que nous avons payé. Nous aurions été fous de refuser. D'autant plus que nous avons trouvé rapidement du travail dans la région. 

Je détache ma ceinture avec un claquement sec. 

— Mouais. Ça cache quelque chose de louche, si vous voulez mon avis. Il y a dû avoir un meutre sordide à l'intérieur. Ou alors la maison est hantée. Vous avez vu ce volet bizarre ? 

Ma mère éclate de rire. 

— Tu regardes trop de films, chéri. Non, d'après l'agence immobilière, ses anciens propriétaires étaient simplement pressés de vendre. Ils voulaient partir à l'étranger, je crois. 

— Raison de plus pour trouver ça louche ! 

Mon père retire les clefs de contact et ouvre sa portière. 

— Allons, Théo, ne sois pas ridicule. C'est notre rêve depuis toujours de nous établir dans une petite ville champêtre en devenant propriétaire d'une maison de charme. 

— Votre rêve, pas le mien. Et où vois-tu du charme ? 

Mes parents sortent de la voiture sans plus m'écouter, sans doute lassés de m'avoir entendu râler pendant six cent cinquante kilomètres. Ils vont saluer l'agente immobilière. Je les suis finalement avec un petit instant de retard. Je frissonne et croise les bras. Il fait froid ici, plus qu'à Paris. Je regrette d'avoir laissé mon blouson dans le coffre. 

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant