Chapitre 21

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Je me laisse tomber à côté d'Émile pour notre premier cours de la matinée, de très mauvaise humeur. Il n’y a rien de pire que d’avoir les pieds mouillés. Si au moins j’avais des chaussettes de rechange ! On n'a pas idée de déménager dans un endroit où il pleut tout le temps ! Mes parents auraient pu se renseigner sur la météo ! N’est-ce pas la moindre des choses à faire ? 

Émile glisse une pile de feuilles vers moi. Il a les cheveux trempés, lui aussi, mais cela n’a pas l’air de le déranger. J’imagine qu’il y est habitué. Je le serai peut-être un jour aussi et cette pensée ne fait que me déprimer davantage. 

— Tiens, ce sont les cours d'hier après-midi. 

Je les enfourne dans mon sac sans les lire. 

— Merci. 

— Oh, et M. Maupin, le proviseur, demande à te voir à la pause de dix heures. 

Je sursaute et me penche vers Émile en chuchotant furieusement : 

— À cause de mes absences ? Ce n'est même pas entièrement de ma faute ! C'est Martin qui me harcèle ! Hier, il m'a pratiquement enlevé ! Je ne voulais pas sécher ! Je te jure ! 

Mon voisin prend un air apaisant. 

— Je sais, je sais. Mais ne t'inquiète pas, le proviseur est de notre meute. Il pourra sans doute comprendre. 

Je mordille le bout de mon stylo, très stressé. Je n'avais encore jamais été convoqué chez le proviseur. Et s'il me renvoyait ? Où est-ce que j'irais ? Il n'y a aucun autre lycée dans les environs. Enfin, peut-être que du coup mes parents seraient obligés de me réinscrire dans mon ancien établissement à Paris. Ça serait plutôt bien, finalement. Je pourrais revoir Vincent. Je n'ai d'ailleurs toujours pas répondu à son SMS… 

— Je t'ai vu venir avec Martin, ce matin, commente Émile d'un air entendu. Vous commencez à mieux vous entendre ? 

Je mords si fort dans le capuchon de mon stylo que le plastique se fissure. Il va décidément falloir que je mette fin à cette mauvaise habitude si je ne veux pas réduire en miettes tout mon matériel scolaire. 

— Absolument pas ! Il continue simplement à me harceler, je te dis ! 

La prof de français arrive à ce moment-là et nous devons arrêter de parler. Elle me regarde avec un air pincé (probablement parce que j'ai séché son dernier cours). Je me tasse sur ma chaise et essaie de prendre ma tête d'élève studieux. Émile ne m'aide pas beaucoup en continuant à me jeter fréquemment des regards en biais parce qu'il veut sans doute plus de détails sur ma soi-disante relation avec Martin. Quand va-t-il comprendre que cette relation est inexistante ? 

La prof nous parle de Madame Bovary, le livre que nous allons étudier pendant une partie du trimestre. Émile a posé son exemplaire sur sa table. Je l'ouvre discrètement. Il fait 576 pages ! Écrites en tout petit ! Quand trouverai-je le temps de lire 576 pages alors qu'un alpha me tourne autour comme une mouche avec un pot de miel ? 

Je recommence à mordiller mon stylo, incapable de me concentrer sur le cours. Tant pis pour le stylo. Et tant pis pour ma tête de bon élève. Je m'appliquerai à devenir le lycéen le plus sérieux du monde lorsque j'aurai réussi à régler mes multiples problèmes (si du moins j'y arrive un jour). 

À la pause de 10 h, Émile me dit : 

— N'oublie pas ton rendez-vous avec le proviseur. 

Je grogne. Je ne l'avais malheureusement pas oublié. Alors que mes camarades sortent leur portable ou discutent entre eux avec insouciance, je me mets en route vers les locaux de l’administration en traînant des pieds. Je suis reçu par une secrétaire revêche qui me dit d’attendre sur l’une des chaises installées devant le bureau du proviseur. 

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant