Chapitre 42

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Je tourne en rond comme un lion en cage dans l'espèce de buanderie dans laquelle on a fini par m'enfermer. Il s'agit d'une pièce toute en longueur se terminant par une fenêtre entrouverte protégée, bien sûr, par des barreaux. Une multitude de caleçons de toutes les couleurs sèchent sur une corde à linge tendue. Je suppose que mes ravisseurs ne disposaient pas d'un cachot libre. Ou alors ils ne me jugeaient pas assez dangereux pour ça. 

Je pousse un grognement. Qui met des barreaux à la fenêtre d'une buanderie, je vous le demande ? Est-ce que les Raspail ont peur que leur linge se fasse la malle ? Cela dit, je ne lui en jetterai pas la pierre. Moi non plus je n'aimerais pas être porté par un Raspail, si j'étais l'un de ces caleçons. Beurk. Beurk. Beurk.

Je repars pour un nouveau tour, stressé comme jamais. D'accord, Martin doit certainement avoir constaté ma disparition, maintenant.  Mais comment saura-t-il pour autant où je suis ? Éric Raspail a agi très vite, sans témoin. Y a-t-il des caméras de sécurité devant le lycée ? Je ne me souviens pas d'en avoir vues.

Je pousse un nouveau grognement agacé. À quoi cela sert d'avoir une âme sœur si elle ne peut même pas vous géolocaliser automatiquement ? À rien. Oui, parfaitement, à rien.

Je me sens de plus en plus en colère contre Martin. C'est comme cela qu'il entend me protéger ? En me laissant me faire kidnapper par une bande de fous furieux qui, non contents de me renifler d'un air menaçant, se sont moqués de moi ?

J'accélère le rythme pour me calmer. Cinq pas dans un sens. Petit demi-tour à droite. Cinq pas dans l'autre sens et on recommence. Mine de rien, sans avoir quitté ma cellule, je dois avoir parcouru au moins dix kilomètres à force de déambuler au milieu des caleçons. À coup sûr, je vais en avoir des courbatures puisque je ne me suis pas étiré avant.

Je m'oblige à m'arrêter un instant pour m'accroupir sur le sol. Je fouille dans mon sac à dos pour me changer les idées. Les Raspail ont retiré mon portable, bien sûr. Et presque tout le reste, comme ma trousse, craignant peut-être que j'essaie des les poignarder avec la pointe de mon critérium. Tiens, il m'ont laissé mon exemplaire de Madame Bovary. C'est une blague ou quoi ? Ils sont de mèches avec ma prof de français pour m'obliger à lire ? On ne sait jamais, avec les gens d'ici.

Je referme le sac et me laisse tomber sur le sol, démoralisé. Quelle heure est-il exactement ? Mes parents doivent être morts d'inquiétude ! Ils vont me passer le savon du siècle lorsque je reviendrai.

Enfin si je reviens un jour. Je ferais mieux de m'inquiéter plutôt sur ce point que sur une éventuelle punition parentale.

Mon ventre se noue et j'ai soudain l'impression d'étouffer. Je me penche en avant pour combattre mon début de panique. Qu'est-ce que les Raspail vont me faire maintenant qu'ils savent que je ne suis pas un véritable loup ? Me tuer ? N'est-ce pas le sort qui est censé être réservé aux gens comme moi ?

Je rouvre mon sac et me saisis frénétiquement Madame Bovary. Je vais lire un peu, pour me calmer. Il me suffit de m'imaginer que je suis paisiblement dans le salon de mes parents, sur le canapé pendant que mon père ou ma mère concocte je ne sais quel plat dans la cuisine pour le dîner. Par exemple du bœuf bourguignon. C'est bon le bœuf bourguignon.

Les heures passent. Je continue à lire mon livre qui n'est pas si mal une fois que l'on est plongé dans l'histoire (les soi-disant scènes osées ne sont d'ailleurs pas si osées que cela. Je trouve Martin bien coincé, pour un pervers). Une louve passe juste me voir à un moment donné pour m'apporter à manger (ce n'est pas du bœuf bourguignon). Je grignote sans appétit aucun. Je me force à avaler quelque chose pour garder des forces pour mon évasion. Je commence à réfléchir à un début de plan. Je pourrais essayer de crocheter la serrure en utilisant l'un des vieux cintres métalliques qui traînent sur la corde à linge. Puis je m'échapperai par le couloir en assommant toutes les personnes que je trouverai sur mon passage. Je les bâillonnerai avec un caleçon puisque j'en ai une quantité à ma disposition. Et... et...

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant