Chapitre 33

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J'avale péniblement ma salive en suivant Martin. Sa maison est une grande bâtisse en pierres blanches qui doit être grande comme quatre ou cinq fois celle de mes parents. De la vigne vierge recouvre une bonne partie de la façade. L'endroit semble paisible. Il est difficile d'imaginer qu'il s'agit en réalité d'une antre de féroces loup-garous. 

— Pourquoi habitez-vous au milieu des bois ? je demande. 

Martin me désigne de la main une vaste grange située à une vingtaine de mètres de là. 

— C'est plus pratique pour l'entreprise de bois de mon père. Et puis, comme cela, nous pouvons nous transformer quand nous voulons. 

Nous nous rapprochons inexorablement de la porte d'entrée et j'essaie par tous les moyens de retarder ma rencontre avec les parents de l'alpha. 

— Parce que ce que tu as dit à mes parents est vrai ? Ton père tient vraiment une entreprise de bois ? 

L'alpha semble surpris. 

— Bien sûr que c'est vrai ! Pourquoi, tu crois que les loups ne peuvent pas exercer de profession ? 

Évidemment. "Loup-garou" n'est pas un métier en soi…  

Nous nous rapprochons de plus en plus de la maison. Je déglutis péniblement lorsque l'alpha pose la main sur la poignée et l'actionne. 

Un brouhaha terrible s’élève aussitôt la porte ouverte. Je risque un coup d'œil dans le salon. Il est bondé. Il doit y avoir au moins une quarantaine de personnes rassemblées là, y compris Émile qui m'adresse un petit coucou que je lui rends avec moins d'enthousiasme. J'aperçois sa mère dans un coin. J'espère qu'elle ne va pas me proposer à nouveau une part de tarte aux pommes. Enfin, elle s'est peut-être vexée du fait que je n'avais pas mangé la dernière qu'elle m'avait servie (je crois que dans ma frayeur j’avais même marché sur ma part en me précipitant sur le lit d’Emile pour échapper au loup qui avait surgi devant moi). 

J'ose à peine poursuivre mon examen de la salle. Un peu de monde ? Martin s’est bien foutu de ma gueule ! Je partirai bien en courant mais il me tient toujours la main avec une poigne de fer, comme s’il avait prévu ma réaction. 

Une forme noire se jette sur moi pour me lècher le visage. Bon, Mirabelle a effectivement l'air en pleine forme. Un peu trop, même. Ma parole, elle est aussi collante que ma mère ! 

— Oui Mirabelle, moi aussi je suis content de te voir. Allons, couchée, maintenant ! Oh, arrête ! Non ! 

La chienne finit par se calmer après m'avoir consciencieusement débarbouillé le visage. Je m'essuie les joues avec ma manche de mon bras libre en grommelant. 

Les loups-garous sont visiblement des personnes très tactiles. La plupart des gens me serrent dans leurs bras pour me saluer et m'adresser des mots de bienvenue. Ils m’affirment tous être très heureux que Martin ait pu me rencontrer. Une vieille dame nous souhaite tout le bonheur du monde, comme si nous venions de nous marier. C’est très gênant. 

— Je vais te présenter à mes parents, déclare soudain Martin. 

Je me sens blêmir. 

— Hum… C’est vraiment obligé ? je marmonne. Je ne voudrais pas les déranger… 

L’alpha lève les yeux au ciel. 

— Ne sois pas stupide. Allez, viens ! 

Il agrippe à nouveau ma main et m’entraîne en direction d’un couple qui se tient au milieu de la pièce. La femme a de longs cheveux bruns et un visage doux. L’homme est grand et musclé et sent l’alpha à plein nez. Je me dandine, terriblement embarrassé. 

Ils vont me trouver nul. Ils vont me trouver nul. Ils vont… 

— Papa, Maman, laissez-moi vous présenter mon lié. 

Je retiens avec peine un froncement de sourcil. Son lié ? Et puis, était-il obligé de prononcer cette phrase avec un ton aussi solennel ? 

La mère de Martin me serre contre elle. 

— Bienvenue dans la meute, Théo. Je suis ravie de faire ta connaissance. 

C'est curieux. Quelque chose dans son odeur me rappelle Martin et me permet de me détendre un tout petit peu. 

—Hum… merci… moi aussi, je marmonne même si en réalité je donnerais n'importe quoi pour être ailleurs. 

Puis c'est au tour de M. Imbert de faire son inspection. 

— Je ne m’attendais pas à ce que l’âme sœur de mon fils cadet soit un mâle, déclare-t-il d’une voix tonitruante. Lui qui a toujours joué les jolis cœurs auprès des demoiselles ! 

C’est au tour de Martin de piquer un fard. Comme quoi, il n’y a pas que mes parents qui peuvent être embarrassants… 

— Papa ! Ne me fais pas passer pour un coureur de jupon ! 

M. Imbert éclate de rire, très fier de lui-même. Puis il se calme un peu et pose une main sur mon épaule. 

— Je plaisante bien sûr. Martin est quelqu'un de très fidèle. Enfin bon… Tu es un oméga alors tu pourras tout de même porter ses enfants. 

Je lui réponds pas un sourire poli, sans bien comprendre ce qu’il veut dire par là. 

Mme Imbert me sourit. 

— Nous projetons d'aller courir tous ensemble à la tombée de la nuit. Toi et Martin voulez-vous vous joindre à nous ? 

Je me fige. Aller courir ? Sous une forme de loup ? Tous ensemble ? Quoi ? Ils vont tous se déshabiller soudain ? Même cette vieille femme qui nous a souhaité tout le bonheur du monde ? Je refuse de me retrouver dans une pièce remplie de gens nus. Je n'y survivrai pas ! Et puis je suis incapable de me transformer, moi ! Les gens d'ici vont le découvrir, vouloir me tuer et Martin sera obligé de leur manger la tête ! 

J'ouvre la bouche avant ce dernier. 

— Je vous remercie, madame, mais je dois rentrer tôt… euh... pour faire mes devoirs. 

Fort heureusement, cette excuse semble satisfaire monsieur et madame Imbert. Ce sont des parents, après tout, et, pour une raison inexplicable,  les parents sont tous obsédés par les devoirs qu'on nous inflige. Pour une fois, j’en tire profit. 

Martin m’attire un peu plus loin et me jette un regard en coin. 

— Tu veux que je te montre ma chambre ? 

Je me tends aussitôt comme un arc. Sa chambre ? Que veut-il qu’on y fasse exactement ? S’il s’imagine que… que… 

Le jeune homme soupire. 

— Ne fais pas cette tête là, voyons, murmure-t-il. Je ne vais pas me jeter sur toi comme un sauvage ! 

Je détourne le visage. 

— OK, mais reste toujours à au moins un mètre de moi ! je l’avertie. 

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant