Chapitre 48

9.4K 1K 226
                                    


Je vois Éric froncer les sourcils. Il nous regarde successivement, son père et moi, et je peux presque voir les méninges de son cerveau tourner. À ce rythme là, il risque la surchauffe. 

Je suis pour ma part bouche bée depuis un petit moment, l'esprit rempli de confusion. Mme Jean est ma mère, d'accord. Le chef de la meute Raspail est visiblement mon père. Éric Raspail est donc mon frère ? Bizarrement, c’est cette dernière conclusion qui me dérange le plus. Je n’ai pas la moindre envie d’être apparenté à ce psychopathe ! Puis je me dis qu'il n'est techniquement que mon demi-frère, et cette constatation me console à moitié (la moitié qui n'est pas apparentée avec lui, j'imagine). 

Tout le monde bavarde à présent pour commenter avec animation les derniers événements. Même mes gardiens ont oublié qu'ils me gardaient. Je suis sûr que je pourrais profiter de la confusion pour m'enfuir tranquillement par la grande porte sans que personne ne le remarque. 

M. Raspail s'entretient avec les autres chefs de meute. Il ne paraît pas très à son aise et mouline des bras, sur la défensive. Je suis trop loin pour entendre ce qui se dit. 

Je reporte mon attention sur Martin. Il est apparemment le seul parfaitement indifférent aux dernières révélations et lutte toujours pour échapper à ses propres gardes et me rejoindre. Comme moi je ne suis plus surveillé, je fais un pas en avant dans sa direction mais le chef des chefs décide à ce moment précis de reprendre la parole. 

— À présent que nous en savons plus, il est temps de prendre une décision. Devons-nous mettre à mort cet enfant demi-humain ? 

Le silence retombe aussitôt et mes gardiens se rappellent de leur rôle. Ma tête tourne et je sens mon cœur s'emballer. J'ai les mains moites et je tremble de plus belle. Zut. Je pensais que cette partie-là du problème était tombée dans les oubliettes. 

— Je vote contre, s'empresse de dire le père de Martin d'une voix haute et claire. Théo est le lié de mon fils et ne représente pas la moindre menace pour les loups. 

Tous les membres de la meute Imbert présents hochent la tête dans un bel ensemble. Martin me jette l'un de ses regards intenses qui me laissent toujours toute chose. 

Le chef a côté de M. Imbert a l'air de s'ennuyer depuis tout à l'heure. Il a regardé sans arrêt son portable, même pendant le petit discours pourtant plein de rebondissements de Mme Jean. 

— Hum ? dit-il en remarquant soudain que c'est à son tour de s'exprimer. Oh… Je vote comme mon voisin. 

Et il se concentre à nouveau sur son téléphone. 

Tous les regards se tournent alors vers le suivant, à savoir M. Raspail qui est devenu tout pâle. S'il me condamne, il s'en prend à son propre fils, et je suppose que c'est tout de même quelque chose qui ne se fait pas, même chez les psychopathes endurcis. 

— Je vote contre, finit-il par marmonner du bout des lèvres, apparemment sans grand enthousiasme. 

Je prends une profonde inspiration. 

— Je vote contre, poursuit la femme à côté de lui après m'avoir jeté un regard un peu dédaigneux. 

Apparemment, je ne suis pas assez dangereux à ses yeux pour constituer une menace sérieuse. 

L'espoir m'envahit. Quatre chefs sur six ont voté contre mon exécution. Est-ce que la majorité suffit ou l'unanimité est-elle requise ? Cette question est cependant superflue car la deuxième femme et même le grand chef estiment à la suite qu'il paraît inutile de me mettre à mort. 

Je suis pris de palpitations. Je suis… je suis sauvé ? 

Mais le vieux loup n'en a malheureusement pas fini avec moi. Il lève simplement une main et le silence se rétablit instantanément dans la pièce. 

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant