Chapitre 23

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Mes parents restent silencieux pendant l'essentiel du dîner et ne parlent que d'une voix basse et grave en me jetant de fréquents petits coups d'œil inquiets. Ce petit manège finit par m'agacer et je pose bruyamment ma fourchette pour les affronter du regard. 

— Quoi ? je grogne. Qu'est-ce que vous avez depuis tout à l'heure ? Vous vous comportez comme si j'étais gravement malade !

Échange télépathique entre mes géniteurs. Enfin, mes sois-disants géniteurs.

— Ce n'est pas ça, chéri, finit par répondre ma mère avec prudence. Simplement, en ce moment, tu te comportes de manière parfois hystérique et...

— Hystérique ? je m'exclame en me levant à moitié de ma chaise. Hystérique ? Moi ?

Je me rends compte alors que mon indignation peut effectivement paraître un peu hystérique pour un spectateur extérieur et je m'efforce de me calmer. Je reprends donc ma fourchette et mange ma purée, l'air digne.

— Si tu as besoin de parler, mon grand, nous serons toujours là pour toi, assure Papa.

Comme j'ai toujours la bouche pleine de pommes de terre, je me contente de répondre :

— Hum hum...

J'aimerais bien leur parler, mais de quoi ? J'ai bien trop peur de me lancer sur le sujet de l'adoption et je n'ai pas le droit de leur avouer ma nature de loup. Et donc de leur signaler qu'un alpha me court après. En résumé, je ne peux rien leur dire du tout et je vais devoir passer tous les dîners muet comme une carpe !

Minute. Je leur parlais bien, avant le déménagement, alors que je ne savais rien de toutes ces choses. Il y a donc des sujets que je peux aborder. Comme... comme... Et bien, les cours. Chouette sujet.

Je me tourne donc vers ma mère après avoir fini ma bouchée.

— Maman, est-ce que tu aurais Madame Bovary de Flaubert ?

Elle me sourit.

— Bien sûr ! Je dois en avoir au moins deux exemplaires. Tu étudies ça en français ?

Parfois, c'est pratique d'avoir une mère bibliothécaire. Sauf quand on déménage et qu'on se retrouve avec des centaines de caisses pleines de livres affreusement lourds. Enfin, au moins ici nous avons plus de place et il n'y a plus comme à Paris des piles de bouquins un peu partout dans lesquelles je ne cessais de me prendre les pieds.

— Ouais, je soupire en enfonçant à nouveau ma fourchette dans la purée.

— C'est l'un des chefs-d'œuvre de la littérature française, approuve ma mère.

Je fronce les sourcils. J'imagine que le coup des scènes osées n'était qu'une blague de Martin. Ma mère n'aurait jamais sinon qualifié ainsi ce livre vu le sermon qu'elle m'a infligé un jour sur les films pornographiques (elle était persuadée que nous en regardions en cachette, Vincent et moi. Ce qui était vrai, mais bon...Je précise que ce n'est arrivé qu'une seule et unique fois. C'est Vincent qui avait eu l'idée, pas moi).

Après cela, l'ambiance redevient plus normale. Mon père nous parle du nombre de fenêtres qu'il a réussi à vendre aujourd'hui au travail (à savoir trois) et je raconte deux ou trois anecdotes sur ma journée (pas le fait que je sois allé au lycée en voiture avec un alpha pervers, bien sûr). Nous prenons le dessert (un fondant au chocolat !) et j'aide à mettre les assiettes dans le lave-vaisselle.

— Allons chercher ton livre, dit finalement Maman en s'essuyant les mains. Il doit être au grenier.

Je me fige. Au grenier ?

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant