Chapitre 24

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Je passe toute la journée du vendredi à angoisser à l’idée de devoir essayer de me transformer en loup. Ça me rend littéralement malade. Peut-être que je devrais envoyer un SMS à Martin pour annuler ? Je pourrais prétendre avoir une urgence familiale. Lui dire que mes parents et moi devons… euh… réparer le volet cassé, par exemple. 

Émile me prend à part pendant que nous nous rendons ensemble au cours d’EPS. 

— Tu vas bien ? Tu fais une drôle de tête depuis ce matin. 

Je regarde autour de nous pour m'assurer que les autres élèves sont à une distance suffisante. Je crois que oui, mais j’ai parfois du mal à saisir ce que peuvent entendre les personnes ne disposant pas de l’ouïe des loups. 

— Comment est-ce que tu t’es transformé pour la première fois ? je murmure du coin de la bouche. C’était facile ? Ou… douloureux ? 

Ma voix s'étrangle au dernier mot. 

Émile se gratte la tête. 

— À vrai dire, je ne m’en souviens plus. J’avais un an, je crois. Mes parents m’ont raconté que j’étais sur une chaise haute de bébé et qu’ils essayaient de me faire manger de la purée de brocolis quand, tout un coup, ils ont eu en face d’eux un louveteau déterminé qui a bondi hors de la chaise haute sur la table pour se jeter sur le reste du rotis. 

Je glousse en me représentant la scène. 

— Tout le monde se transforme aussi tôt ? 

— Oh non. Cela dépend vraiment des individus. Certains en sont capables dès leur naissance. D’autre seulement vers le début de l’adolescence. 

Mon sourire disparaît. Le début de l’adolescence ? J’ai 16 ans, on ne peut pas dire que cela soit le début de l’adolescence, et je ne me suis jamais métamorphosé en quoi que ce soit. Je n’ai même pas de poil sur le menton. 

— C’est différent dans ton cas, affirme aussitôt Émile. Tu ignorais être un loup. Comment aurais-tu pu seulement songer à te transformer ? 

— Mais et toi, quand tu avais un an, tu ne le savais pas non plus, je remarque, la gorge serrée. 

Nous arrivons à ce moment-là dans les vestiaires et il devient trop dangereux de continuer à discuter des affaires de loups. 

— En tout cas, ce n'est pas douloureux, me souffle juste Émile du coin des lèvres. 

Mouais mouais mouais. Le médecin m'avait affirmé la même chose, la dernière fois que j'ai eu une piqûre et j'ai ensuite eu mal au bras pendant deux jours ! 

Cette fois-ci, Martin et moi attendons sagement la fin des cours pour nous échapper du lycée. J'envoie un rapide message à mes parents pour leur dire que je vais passer un peu de temps avec des amis (ok, il n’y en a qu’un et il n’est même pas mon ami). 

Je reçois une réponse de ma mère. 

Amuse-toi bien, lapin

Bon, au moins cette idée de punition ne semble plus d'actualité, depuis que mes parents m’ont diagnostiqué comme atteint d’hystérie. J'aurais presque préféré afin d'avoir une bonne excuse pour ne pas avoir à essayer de me transformer en loup. Car je pense que je ne vais faire qu'essayer. Je ne vois pas comment je pourrais y arriver. En plus, la pleine lune n’est que dans trois semaines (j’ai vérifié sur le calendrier). Je sais qu’Émile prétend que cela n’a pas d’impact sur la transformation, mais je suis certain que cela m’aiderait quand même. J’ai besoin de toute l’assistance possible, au point où j’en suis. Peut-être que Martin devrait essayer de me faire manger de la purée de brocolis ? Après tout, ça a bien marché avec Émile… 

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant