Chapitre 44

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Il y eut un lourd silence, puis Harry soupira, prenant la parole sans regarder les deux Serpentard. Il refusait toujours de croiser les regards, refusant de lire le rejet ou tout autre sentiment négatif. Il avait besoin de garder dans son esprit le visage de Pansy un peu plus tôt, détendue et souriante, abandonnée dans ses bras.
— Le professeur Rogue me sauve la vie depuis ma première année, sans se faire remarquer. Il a accepté de nous aider, il est au courant de tout.

Drago émit un bruit grossier et se mit à crier, furieux.
— Conneries ! Tout le monde sait qu'il te déteste ! Bon sang ! Mon père n'arrêtait pas de parier avec ses stupides amis le temps qu'il mettra à te livrer pieds et poings liés...

Harry haussa les épaules et prit un air buté, refusant de répondre à la provocation directe.
— J'ai confiance en lui...

*

Severus fut le premier choqué par l'affirmation tranquille. Comment ce gamin pouvait-il remettre sa vie entre ses mains alors qu'il avait tout fait pour l'humilier depuis qu'ils se connaissaient ? Il l'avait malmené encore et encore, et pourtant, Potter était là, debout, les yeux fixés au sol, affirmant tranquillement qu'il lui faisait confiance.

Il ne savait pas quoi répondre à ça, mais heureusement pour lui, son filleul offrit une distraction bienvenue. Drago laissa échapper un ricanement incrédule et il intervint, sèchement.
— Suffit, Drago. Je pense qu'on a compris ton point de vue.

Le jeune homme repoussa une mèche blonde qui tombait devant ses yeux d'un geste rageur et il le fixa les yeux pleins de larmes.
— Alors, pourquoi les avoir laissés me marquer ? Si...

Severus leva une main impérieuse, faisant taire l'adolescent qui se ratatina presque sur son siège. Severus se frotta les yeux, soudain épuisé, et secoua la tête.
— J'aurais aimé pouvoir agir, mais je pensais que...

Drago montra les dents.
— Que je voulais ça ? Devenir un meurtrier ?
Il fixa tranquillement son filleul dans les yeux, attendant qu'il soit pleinement attentif, puis il corrigea calmement.
— Non. Je pensais que si j'intervenais et que ta mère était tuée, tu risquais réellement de basculer et de les rejoindre de ton plein gré. J'ai juré de t'aider, j'ai mis ma propre vie dans la balance en acceptant de m'enchaîner à ta mère par un serment inviolable. Je ne l'aurais pas fait si ta vie ne m'importait pas.

Le menton de Drago trembla, et il détourna les yeux, à fleur de peau. Severus regarda ces adolescents les uns après les autres, sans montrer à quel point il était horrifié de la situation actuelle. Ils n'étaient même pas majeurs et ils allaient risquer leurs vies, sans l'avoir choisi. Lui au moins avait commis ses propres erreurs volontairement et il pouvait se reprocher son inconscience d'alors. Eux... ils étaient juste entraînés dans une guerre qui les dépassait.
Il s'attarda sur Potter, inquiet de le voir aussi passif. Le gamin avait les yeux résolument fixés sur ses chaussures, et il ne bougeait pas, tous ses muscles si crispés qu'il en tremblait presque.

Il fut soulagé de voir l'inquiétude de Pansy Parkinson, qui semblait ne pouvoir détacher ses yeux de lui. Il aurait détesté découvrir que c'était un amour à sens unique, ou que la jeune fille s'était jouée du Survivant.


*

Après avoir eu la confirmation que leur professeur n'allait pas les livrer, qu'il était de leur côté et visiblement décidé à les aider, Pansy reporta son attention sur Harry. Elle n'aimait pas son mutisme, sa façon de ne pas la regarder.
Il était habitué à foncer tête la première et la culpabilité rongeait la jeune femme en se disant qu'elle avait obéi à son père finalement. Elle l'avait brisé.

Elle réprima un sanglot, hésitante. Elle voulait s'excuser, effacer les mots prononcés tout en refusant de le voir risquer sa vie pour elle.

Finalement, il leva la tête et elle put croiser son regard. Elle sursauta brusquement en voyant ses yeux ternes et dépourvus d'émotions et elle réprima l'envie de se jeter contre lui pour le secouer. Mais il ne lui accorda qu'un bref coup d'œil avant de regarder leur professeur et Pansy serra les poings, se mordant violemment la lèvre pour ne pas se remettre à pleurer.

Harry prit la parole, calmement.
— Professeur ? Nous devrions prévenir une partie de l'Ordre, ceux qui seraient d'accord pour ne pas impliquer Dumbledore. Il faudrait qu'ils empêchent les Mangemorts de pénétrer Poudlard en les attendant à la sortie de la salle sur demande. Ou directement à l'intérieur.

Rogue soupira, les sourcils froncés, mais Pansy voyait qu'il avait prévu autre chose. Elle avait appris à le connaître finalement et elle pouvait deviner qu'il avait gardé le pire pour la fin.
Effectivement, Harry se redressa inconsciemment, comme pour se préparer à batailler, et reprit la parole, du même ton tranquille.
— Quant à moi, je suppose qu'il est temps que j'intervienne. Plutôt que de l'attirer ici, autant le... traquer jusqu'à dans son repaire pour l'affronter.


Pansy émit un hoquet étranglé, horrifiée, mais Harry ne bougea pas, fixant leur professeur comme s'ils étaient tous les deux seuls dans le bureau.

Elle allait protester bruyamment, mais un regard assassin de Rogue la fit taire et elle tituba, horrifiée de ce qu'elle avait déclenché.

*

Harry faisait en sorte d'enfermer ses émotions dans un coin de son esprit, pour ne pas craquer. Lorsqu'il se sentit capable de faire face, il leva la tête et croisa les yeux inquiets de Pansy. Cependant, il ne s'attarda pas sur son visage, se répétant qu'il devait l'ignorer pour la protéger.

Le jeune homme était terriblement calme alors qu'il exposait la première partie de son plan. Il savait que Rogue serait finalement d'accord avec lui, et il le laissa réfléchir quelques instants avant de révéler le point principal, celui pour lequel il allait devoir batailler s'il voulait le mettre en application.

Lorsqu'il annonça son intention de traquer Voldemort en personne, il entendit le bruit surpris venant de Pansy, mais il ne tourna pas la tête, par peur de manquer soudain de courage. Il s'accrochait à l'idée qu'elle serait libre s'il réussissait.

Avec fascination, il vit le visage de Rogue se froisser, comme s'il cherchait à protester, mais qu'il ne trouvait aucun argument valable pour l'empêcher de le faire. Finalement, Rogue ferma les yeux.

— Êtes-vous conscient qu'il n'y aura pas de retour en arrière, monsieur Potter ? Que personne ne pourra vous aider une fois que vous serez dans sa tanière ?

Chantage brûlantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant