23 : Alexandra

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Comme c'est déjà arrivé souvent, je regarde Nathan s'affairer en cuisine. Il a des gestes sûrs et une aisance hypnotisante. Sept jours que je suis séquestrée, si j'ai bien compté, le temps est long sur certains aspects, mais sur d'autres, je comprends que j'ai une chance folle de toucher du doigt un monde inconnu. Un monde auquel je ne suis toujours pas certaine de croire complètement. Partager les émotions de Nathan et ses sensations m'aide à me rappeler que c'est réel. J'ai tout essayé pour rompre le lien. Visualiser y tirer dessus ou le couper à coup de hache ! L'ignorer. Mais rien ne marche, c'est même pire, j'ai l'impression qu'en le voulant je pourrais puiser dans la drôle de masse bouillonnante qui bourdonne en fond. J'ai compris que c'était ses pouvoirs. J'ai tenté de m'en approcher, mais dès que c'est le cas, je me sens submergée. Nathan m'a encouragé à l'apprivoiser, car selon lui, seule la magie peut casser ce qu'il y a entre nous.

Le problème c'est qu'il ne peut rien m'expliquer sur l'utilisation de ses pouvoirs. Il m'a dit de faire à l'instinct... Il en a de bonnes. Même Adnan m'aide plus que lui, il essaie de me conseiller et de me guider, alors que c'est évident qu'il ne s'y connait pas non plus.

— Tu as de la chance, Adnan est vraiment un ami en or, dis-je à voix haute.

— Je le suis aussi, réplique Nathan.

Il me regarde en me défiant d'oser dire le contraire. Son air légèrement vexé est tordant.

— C'est pas flagrant, ne peux-je m'empêcher de répondre en me moquant.

— Parce que tu ne vois les choses qu'avec le prisme de ta futile vie humaine.

— Et bim, la race humaine vient encore d'essuyer un coup. Je crois que tu nous méprises parce que tu nous envies. Tu vis comme nous, au milieu de nous... Seul, terminé-je en le regardant avec compassion.

— Ta pitié et ta psychologie à deux balles, tu peux les garder.

Sa colère monte en flèche et s'essouffle aussi vite. Je me concentre à nouveau sur ce fichu machin qui me relie à lui, je vais bien finir par trouver le truc !

— Tu sais que tu si arrivais à puiser un peu dans ma magie tu pourrais te soigner rapidement, déclare-t-il alors que je fixe le vide avec intensité.

— Vraiment ?

— Oui. Peut-être que ça pourrait t'aiguiller sur comment briser nos attaches.

Avec une énergie nouvelle et exaltation, je me remets à la tâche.

— Comment je saurais si ça guéri ? demandé-je alors qu'il est en train de servir nos assiettes.

— Une cicatrisation accélérée, ça gratte énormément. Crois-moi, on s'en rendra compte tous les deux. En attendant que tu aies l'illumination, mange !

Les souvenirs de ma guérison grâce au sang d'Adnan me reviennent en tête et je grimace, ça avait été fugace, mais pénible, j'espère que ce sera plus rapide avec les pouvoirs de Nathan. Pressée d'essayer, je ne me fais pas prier et me jette sur le repas.

— T'es vraiment doué ! Y'a de la nourriture normale en enfer ? m'enquiers-je, après avoir avalé une bouchée.

— Oui... Mais ce n'est pas là que j'y ai pris goût, réplique-t-il stoïque.

— Oh ! m'exclamé-je devant la force brute des émotions qu'il transmet. Ton visage n'a rien montré, mais je l'ai senti, ta peine, ta rancœur, une masse remuante de haine et de douleur.

— Tu as dû mal interpréter.

— Non et là t'es dans le déni.

— Lex, ne creuse pas.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant