42 : Nathan

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Lex doit retourner à sa vie, je ne sais pas combien d'heures ou de jours je vais avoir avant que la traque commence, mais c'est mieux si elle n'est pas là. Plus j'y réfléchis et plus je comprends qu'elle sera moins en danger si elle retrouve sa routine.

Je n'arrive même plus à avoir honte de me soucier d'elle. Quand le suceur sera revenu, je les larguerais tous les deux sur Narbonne, c'est de là qu'ils viennent, ils sauront s'en débrouiller.

La pensée que je ne reverrai peut-être jamais Lex me taraude, le réconfort à l'idée de récolter son âme et qu'elle soit mienne pour toujours est amer. Ce n'est pas ça que je veux. C'est elle, de chair, de sang. Humaine. Dans cette vie. J'ai failli la perdre, mon corps a agi avant que je ne comprenne l'ampleur du problème et pourtant il est énorme ! C'est impossible que... que j'aime. Penser ce mot me donne la nausée. Ce n'était pas supposé m'arriver, j'ai toujours pris soin de considérer les humains pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire une race inférieure d'une fragilité ridicule et d'une durée tout aussi comique. J'espère sincèrement que cet élan dans la poitrine quand je la vois ne va pas s'éterniser et que d'ici quelques semaines elle ne sera qu'un souvenir sympathique. Après tout, ça ne peut pas être ça de l'amour, si ? C'est presque plus désagréable qu'autre chose.

De de toute façon, je doute avoir le temps de me remémorer quoi que ce soit, dans les jours à venir, ça m'aidera à passer à autre chose ! Car mon plus gros problème, ce n'est clairement pas que mon foutu cœur se sent obligé de toquer comme un forcené contre mon sternum quand Lex est dans les parages ! La seule chose qui devrait compter c'est mes stratégies pour survivre.

Parce qu'il ne faut pas que je l'oublie, mon existence sur terre est en sursis, si je me fais gauler et que je termine en enfer cette fois personne ne m'aidera à en sortir.

Ethan revient sur les coups de onze heures et il a apporté une voiture et trois nouveaux téléphones.

— Je vais vous déposer à Narbonne, annoncé-je tout à trac alors que Lex grignote tout en étant en train de rentrer ses identifiants pour s'approprier son cellulaire neuf.

— C'est-à-dire ? demande Ethan.

— Être avec moi est trop dangereux. Je ne vais même pas enregistrer vos numéros et ne m'écrivez qu'en cas d'extrême nécessité, je ne sais vraiment pas comment les choses vont tourner pour moi.

Lex a écrasé son biscuit sur le comptoir en se redressant, elle me fixe furieuse et triste. Je le vois et je le ressens par ce lien qu'elle ne perçoit plus.

Elle n'ose rien dire pendant plusieurs secondes, au point où Ethan fait quelques pas vers elle, dans l'intention de la réconforter, j'imagine.

— Bon, déclare-t-elle en le coupant dans sa lancée, on a qu'à partir de suite !

Vexée, elle se rend au véhicule, Ethan hausse les épaules et la suit. Je vole les clefs au suceur et me dirige côté conducteur. C'est la seule chose positive dans l'instant, je vais pouvoir conduire ! Personne n'argumente. Même pas quand je fais du cent-quatre-vingt-dix sur l'autoroute alors que je ressens la peur de Lex.

Je ne parviens pas à être grisé par la vitesse, c'est plutôt le contraire, quand je me gare à Bize-Minervois près de la maison de Lex je suis morose et je m'en veux d'avoir roulé si vite.

Ethan descend aussi chez Lex, je crois qu'il veut lui parler seul à seul. Je ne daigne même pas sortir de la voiture. Comme un automate, j'offre un léger signe de tête, une recommandation de ne pas se mettre dans la merde et je redémarre. J'ai agi avant de débouler en trombe de l'habitacle pour la prendre dans mes bras, ça serait une réaction foutrement stupide et ridicule.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant