9 : Alexandra

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Pas de nouvelle de Lucien. Merde. Je sais que c'est mieux comme ça, mais ça blesse mon orgueil, car j'ai trouvé le sexe génial avec lui.

— Tu sembles préoccupée, me fait remarquer Cécile.

— Désolée.

— Tu veux en parler ?

— Non, c'est bon. Terminons l'inventaire du stock.

La journée file, pendant que je fais l'autruche en me perdant dans mes tâches pour ne pas vérifier mon téléphone. Je regrette de ne pas faire la fermeture ce soir, pour avoir une chance de croiser Lucien. Je passe mon temps à regarder l'heure sur l'ordinateur de la caisse. J'ai espoir de le voir débarquer avec son assurance et ses phrases à deux balles. Il est hors de questions qu'il m'oublie juste après qu'on ait couché ensemble.

Je trépigne. J'ai du mal à sourire aux clients. Je suis vraiment stupide parfois. Je savais qu'il ne fallait pas lui céder. C'est la base, il y en a toujours un des deux qui rament et je refuse que ce soit moi.

Mon temps de travail écoulé, je marche doucement dans les rues de Narbonne espérant le croiser. Mais non. Je n'ai rien oublié chez lui pour avoir une excuse et lui écrire sur un de ses innombrables numéros de portable. Je n'ai vraiment été maline sur rien. C'est affligeant. Il est toujours par monts et par vaux en plus. Un coup Lyon, un autre Marseille ou Toulouse ou Perpignan. Ou je ne sais où. Je ne vais pas toquer chez lui avec une excuse bidon. Il me verrait venir à dix kilomètres. Je rumine mes options, mais n'en choisis aucune.

Je ne tourne vraiment pas rond, je devrais fuir et être heureuse d'avoir mis fin à son harcèlement. À la place, je suis prête à lui courir après. À la définition de pathétique, on doit trouver ma tête.

Toute la soirée, je vérifie mon téléphone, en me gavant de chocolat devant une série Netflix. Je ne suis même pas l'histoire, je ressasse les derniers évènements.

Quand enfin mon téléphone vibre à vingt-trois heures, je me jette dessus.

Lucien

Hey beauté. Tu sais qu'avec le super moment qu'on a passé ensemble, je me suis dit que si tu veux je peux t'aider à te faire un max de fric. Ça me ferait plaisir de t'aider.

Quoi ?!!

T'as un corps de malade, tu pourrais continuer à prendre ton pied et te faire payer. Ce serait tout bénef pour toi. Et mes potes, c'est des gars sûrs. Il n'y aurait pas d'embrouille.


Je reste estomaquée devant l'écran de mon smartphone. Il est en train de me proposer de me prostituer. Comme ça. Sorti de nulle part. Je décide de ne plus répondre. J'en ai la nausée. C'était tout ce que j'étais pour lui, une pute. Je me mettrais des claques.

Pour me remonter le moral, je prends le pot de glace menthe-chocolat de mon congélateur et une cuillère. Comme ma confiance en moi, il ne survivra pas à la soirée.

Je savais que j'aurais dû me contenter de Tom. Ce serait le moment qu'il m'écrive ce con. J'ai besoin de me sentir désiré, sinon je sais que je ne foutrais plus le nez en dehors de chez moi.

Je me connecte aux réseaux sociaux, je vais forcément trouver un sujet de conversation en cherchant bien. Mais il aura intérêt à me répondre. Mon cœur bat un peu fort d'angoisse qu'il ne le fasse pas si je lui écris. Après tout, il doit le faire seulement une fois sur trois.

En remontant le fil de ses dernières activités, je vois qu'un pote l'a tagué sur une photo des Festejades de Gruissan de l'année passée. Il lui propose d'y retourner cette année. Bien. Voilà un sujet parfait.

Tom

Yep. Tu vas aux Festejades cette année ? Il y a espoir qu'on se croise où tu seras trop occupé : p

Tu n'y vas pas avec ton pote ?

De quoi tu parles ?

Je t'ai vu avec un mec hier en ville.

Non. C'était juste un ami...


Sans surprise il ne me répond plus. Putain, il a fallu qu'il me voie avec Lucien ! Combien de chance il y avait que ça puisse arriver ? Et pourquoi il ne m'écrit plus ce couillon ? On n'est pas un couple lui et moi. J'ai vraiment tout gagné, je n'ai personne pour me changer les idées. Je ne parviens même pas à me satisfaire du fait que Tom semble dérangé de m'avoir vu avec un autre mec. Il n'est pas jaloux. Même si ça me flatterait un peu en l'état actuel. Son égo peut-être de se dire que je passe du bon temps avec d'autres hommes. En tout cas, je peux être certaine que je ne le reverrais pas de si tôt.

Je déteste quand plus rien ne va comme en ce moment. Il va me faire ramer, je le sens. Il va me provoquer. Un été il avait poussé le jeu en emballant une femme de presque soixante ans devant moi et à me dire tout naturellement : « Bonne chance pour pas finir seule ce soir ». J'avais vu rouge. Il m'a complètement amadoué cette fois-là. Je suis tombée dans ses filets comme une bleue. Je l'avais chopé par le froc et je lui avais fait du chantage... Ce n'était pas glorieux. Pathétique serait le mot juste, mais je trouve qu'aujourd'hui je m'en suis trop servie pour me définir. J'avais quand même fini la soirée avec lui. Et quelle soirée... Bordel, ce mec me rend dingue. Ses muscles, son corps halé, ses tatouages, ses piercings, son air enjôleur... Et je vais pouvoir m'y asseoir dessus pour un temps. Bien jouer Alex. Chapeau.

Les touristes ne seront pas là avant fin juin, pour le moment il n'y a que des vieux en vacances dans le coin et je ne donne pas encore dans le troisième âge ou la gérontophilie. Mais au comble du désespoir, on ne sait jamais. J'ai bien craqué pour un mec louche que je m'étais promis de ne plus approcher.

Je me fatigue à tout tourner en boucle, je décide d'aller me coucher.





Festejades : Fête annuelle de la commune de Gruissan (Aude), généralement fin mai début juin. Premier weekend de mai dans le texte.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant