14 : Nathan

48 12 72
                                    

Ice est chez Alexandra, moi quand j'en ai eu marre d'attendre, je lui ai demandé de m'hypnotiser un conducteur pour revenir à Narbonne et voir à son travail.

Je ne conduis jamais. Je sais le faire, mais si d'aventure je tue quelqu'un accidentellement mes siècles d'efforts n'auront servi à rien. Exactement comme si je laisse la dinde continuer à arpenter l'Aude. J'aurais dû écouter Ice et faire tracer son téléphone, mais j'ai pensé que ce serait trop long, je n'y connais rien à toutes ces merdes technologiques.

À force de faire le pied de grue devant la pharmacie, je retourne à l'intérieur et je décide de demander à la quadragénaire derrière le comptoir des renseignements.

— Bonjour, m'accueille-t-elle d'une voix guillerette.

— Bonjour, je cherche Alexandra, elle ne travaille pas aujourd'hui ?

— Heu... Je peux savoir qui vous êtes ? Je ne divulgue pas d'informations sur mes employés.

Elle s'est énormément refermée, je n'obtiendrais rien, je fais demi-tour sous son regard interloqué.

Sur les nerfs, je retourne m'asseoir à la terrasse d'un café. Je commande une bière pour tuer le temps. Midi va bientôt sonner. Je ne pense pas qu'elle vienne travailler l'après-midi, mais j'attendrais jusqu'à quatorze heures, si Ice n'a rien non plus de son côté, j'aviserai.

J'essaie de me concentrer pour comprendre ce qu'elle fait. Depuis qu'elle s'est levée, elle est agitée et son état me contamine. Il faut que j'arrête de me voiler la face, le lien que j'ai malencontreusement créé avec elle s'intensifie. Je n'aurais pas pu envoyer une vague de puissance jusqu'à elle sans ça. Je rumine cette idée, essayant de sentir quelque chose. Je ne sais pas quoi, mais voir si sans émotion forte je pourrais quand même agir.

Elle est essoufflée. J'ai la sensation bizarre d'un cœur qui bat vite dans ma poitrine, mais ce n'est pas le mien. C'est très désagréable, cependant je ne lâche pas ce début d'impression. Je finis par avoir la trace fantôme de ses habits contre ma peau. Rien de plus.

— Il y a un problème, monsieur ? me demande le serveur.

— Non.

Il repart et me jette des regards interrogateurs.

Puis aussi violemment que si l'émotion m'appartenait, j'ai peur. Elle a mal au bras. Et elle est terrifiée, davantage qu'un peu plus tôt ce matin. Je me lève abandonnant ma boisson.

Je me tourne dans tous les sens, concentré sur elle, j'ai une drôle d'intuition qu'elle n'est pas très loin. Mon instinct m'indique de remonter la rue Droite. Je cours bousculant la foule qu'il y a le midi. Les venelles étroites ça a du charme, mais c'est l'enfer pour circuler quand on est pressé. Il faut que je retrouve la dinde, si elle est agressée, c'est certainement d'autres démons. Elle ne se calme pas et ma peur commence à s'insinuer en moi, je n'ai pas la moindre idée de comment agir, j'espère que le lieu où elle se trouve n'est pas très loin de la foule, c'est nôtre salut pour avoir une chance de nous échapper. La pensée que mon existence secrète s'apprenne aujourd'hui aussi bêtement me paraît ubuesque et pourtant... Comme si l'enfer était à mes trousses, ce qui ne manquerait pas d'être le cas si la situation empirait, je fonce sans ralentir.

La douleur au bras de mon fardeau s'intensifie. Elle a mal à l'épaule aussi. Je pense qu'elle se débat pour se libérer de la poigne qui l'enserre. J'arrive à la Place du Forum. Elle n'est pas loin. Je le sais, car je sens une puissance démoniaque toute proche, je ne me pose pas plus de questions et continue tout droit.

Une Mercedes est arrêtée au milieu de la route en plein virage, je ne vois que ses phares arrière, la voix plaintive d'une femme me parvient, ainsi que les cris de colère d'un homme. Je ne réfléchis pas et m'approche. Je saisis le poignet de l'agresseur assis dans la voiture côté passager. Et c'est la stupéfaction, il est humain. Le chauffeur du véhicule était en train de le contourner, il me bouscule. Perdu dans mes pensées, je ne l'ai pas vu. Je suis abasourdi, l'aura démoniaque vient de la dinde. Et c'est la mienne !

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant