Ne Jamais Dire Jamais

47 : Alexandra

Ethan nous a ramenés dans la maison où j'ai vécu avec Adnan et Nathan. C'est différent sans lui, sans eux, car je dois reconnaître que même avec son apparence inquiétante Adnan était quelqu'un de gentil et patient. De la patience, il en faut pour supporter Nathan et sa mauvaise humeur. Malgré son caractère de cochon, j'espère qu'il va bien ! Tous les jours, des dizaines et des centaines de fois par jour, cette question martèle mon crâne.

La mère d'Ethan tue le temps en faisant à manger. Il lui a fait croire que c'était ma maison de vacances et que j'avais besoin de compagnie. Il veut la garder près de lui pour pouvoir veiller sur elle. Je le comprends, j'ai envie de rameuter tous les gens qui comptent pour moi ici : mes parents, mes sœurs et leur famille, mes amis : ma famille au sens large. Il nous faudrait au moins l'équivalent du château de Versailles pour caser tout ce monde... En plus, Ethan ne pourrait pas tous les contraindre tout le temps, donc c'est impossible. Les nouvelles sont toujours aussi compliquées à avoir, c'est l'horreur ! Mais heureusement, ma famille vit à la campagne et ils ont des réserves en plus de voisins avec qui ils font du troc – c'était déjà comme ça avant, ils s'entraidaient beaucoup. Pour mes amis, c'est plus complexe, ils se sont regroupés avec leurs parents pour la plupart, personne ne reste seul. J'espère que la situation va se calmer. Je n'imagine même plus un retour à la normale, mais un mieux serait déjà pas mal.

— Maniague*, qu'est-ce que tu veux qu'on fasse à manger ? me demande la mère d'Ethan.

Je vais ouvrir le frigo, rien ne me fait envie. J'ai l'estomac noué, mais pour faire plaisir à cette femme j'essaie de faire bonne figure. Surtout qu'Ethan ne fait un effort que pour le repas du soir, où il grignote un peu avec nous. Sa mère pense qu'il a une maladie digestive et des allergies... Je vois bien qu'Ethan est triste des mensonges qu'il doit tisser entre sa mère et lui, mais il a été catégorique lorsque nous en avons abordé ce point, il refuse de la faire entrer dans son monde, pour sa sécurité. Sans le juger, je l'ai compris. Du coup, j'occupe sa mère en journée. J'aime bien discuter avec elle, j'en apprends beaucoup sur mon ami. J'ai découvert qu'il n'était vraiment pas vieux ! Nous n'avons que quelques années d'écarts, j'ai aussi appris qu'il était fiancé ou qu'il l'avait été, il laisse sa mère dans le flou. Elle croit que c'est parce qu'il ne veut pas l'impliquer, mais après en avoir amené le sujet avec Ethan, j'ai compris que lui-même ne savait pas où il en était. Sa fiancée est humaine, c'est la sœur d'une de ses amies vampires et comme lui, elle ne veut pas que sa sœur apprenne ceux qu'ils sont. C'est tellement compliqué...

La vie des vampires me fait de la peine, je comprends la mesure de leur sacrifice, de leur vie humaine qu'ils doivent abandonner surtout par amour pour leur famille. Ils doivent se sentir seuls. C'est sûrement pour ça qu'ils vivent souvent ensemble – de ce que m'a dit Ethan. Comme Nathan, ils sont condamnés à une vie de misère. Peu importe leur force, leur pouvoir, je préfère être humaine, même si j'imagine que Nathan aurait à redire sur ma nature.

Peu importe le sujet auquel je pense, j'en reviens toujours à lui et comme souvent un sourire mélancolique étire mes lèvres.

— Anem ! Pitchona**, tu as la même expression que mon Ethan. Tu l'aurais vu far l'ulhon*** quand il la regardait sa Lauriana. Et puis, il a arrêté de la voir ! Y'a quicòm**** qui va pas dans votre génération, c'est pas possible. La vie est trop courte pour que vous languissiez comme ça. L'amour sa boulègue tout dans le cœur, dans la tête, mais ça se vit à fond ou ça ne se vit pas. Dans le second cas, on vieillit et on finit aigri, déclare Jeanine. Attendre comme vous faites, c'est du gâchis !

— Avec les temps actuels, c'est un peu compliqué de vivre quelque chose de concret, déclaré-je.

— Vous avez toujours des excuses. J'espère que tu n'es pas comme mon Ethan ! Il n'a pas arrêté de voyager à une période ! Et cette pauvre petite qui venait me voir pour que je lui donne des nouvelles.