35 : Alexandra

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— Il est en danger ! insisté-je auprès d'Ethan.

— Tu dis qu'il n'a plus mal et qu'il est énervé, c'est que ça va. Il ne te répond pas parce qu'il doit être occupé. Il est assez grand pour se gérer, m'explique patiemment le vampire, pendant qu'une femme lui embrasse le cou.

— Purée, mais on peut pas parler sans ce... ce...

— Ce ? se moque-t-il.

— Ce porno en direct ! m'énervé-je, le faisant rire.

— Le chalet est devenu un temple de la luxure !

— Pour si peu. Tu devrais te détendre. Ou, au moins, n'empêche pas les autres de le faire.

Ethan embrasse goulument sa partenaire du moment sans me quitter des yeux avec une lueur de provocation dans le regard. Énervée, j'attrape une bière et vais dans ma chambre. Pour la première fois de ma vie de femme, je crois que je ne suis pas aussi à l'aise que ça avec ma sexualité. Déjà, le moment de folie avec le démon j'ai du mal à l'accepter, car il était tellement différent de tout ce que j'ai vécu que je n'arrive pas encore à y mettre de mots dessus. Mais maintenant, il y a aussi ce désir qui m'anime à voir tous ces gens s'amuser, s'embrasser, baiser et Ethan qui virevolte au milieu. Sa décomplexion me rend envieuse. J'évite de le regarder se nourrir, sans pour autant culpabiliser. Ses proies semblent passer un bon moment.

Après une gorgée de ma boisson fraîche, alors que j'écoute les vibrations de la basse, je comprends aussi ce qui me retient. Nathan. La dernière fois, j'ai juste eu le temps de me rapprocher d'un homme qu'une violente douleur au poing et une explosion de colère m'ont fait prendre conscience qu'il n'appréciait pas. J'ai été furax, puis je me suis mis à sa place et je crois que je ne supporterais pas de sentir quelqu'un le toucher, c'est trop intime ! Surtout depuis que j'ai franchi cette barrière entre nous.

Moi qui n'ai jamais été jalouse ou possessive, c'est un comble ! Si je n'étais pas au courant s'il s'envoyait en l'air, ça ne serait pas pareil. Du moins, je le crois. En vérité, avec Nathan je suis dans un flou total. Il ne peut rien y avoir de plus entre nous, je ne suis pas stupide, c'est un démon. Nos mondes n'auraient jamais dû se rencontrer. Mais d'avoir partagé autant avec lui, ça soulève beaucoup de choses dans mon ventre.

Nathan finit par se calmer et je le sens résigné, en effet il semble aller mieux, me voilà rassurer.

« Je vais rentrer. Il me faut l'adresse »

Vive la déclaration, pas un merci, pas un merde, pas une explication sur ce qui s'est passé alors que je lui ai écrit ! Il a eu mal, il ne va vraiment rien me dire ?

Tout en soupirant, je lui envoie les informations.

« Tu vois quand tu veux, tu n'es pas intrusive. »

« J'aurais dû te donner une fausse adresse ! »

« Tu es quelqu'un de trop sage et de raisonnable pour ça »

Cette vérité me blesse autant qu'elle me touche de voir qu'il me connait si bien. Alors je ne réponds pas et je rumine. Il y a une alchimie entre nous et je suis de moins en moins sûre qu'elle est là cause du lien. Cette complicité, je ne la rêve pas. Pourtant lui et moi évitons de nous retrouver dans des situations qui tendraient de trop grosses perches, mais dur de luter.

Avec toute la raison qu'il me reste, je me répète en boucle que je ne peux pas m'attacher autant à un démon, mais il n'y a rien à faire. Il compte. Et je ne peux même pas le lui cacher.

Un nouveau soir, une nouvelle personne en train de lécher voracement la glotte d'Ethan avant qu'il ne goutte son sang. Le chalet déborde de fêtards, une bonne quarantaine de gens ce soir ! Le vampire est fou d'organiser une telle mascarade à chaque fois. Il a posé un panneau sur la porte de ma chambre pour en interdire l'accès, c'est gentil de sa part, mais j'ai toujours l'impression de nager en plein délire. Je ne prends pas la peine de lui faire la morale, j'attrape une bière et vais me retrancher dans mon antre.

Mon portable vibre, me sortant de mes pensées.

« Arrête d'être aussi mélancolique ! »

Le message est du démon qui hantent mes réflexions, de qui d'autres de toute façon ? Mes amis sont pris dans la spirale de panique qui couve. Jim ne fait que des heures supplémentaires, les gens vrillent depuis les apparitions magiques, les hôpitaux débordent d'individus en détresse, en pleine crise de nerfs et les pharmacies aussi. J'aurais dû avoir des amis qui bossent dans des agences de voyages, j'imagine qu'en ce moment il ne doit pas y avoir foule. Ma réflexion m'extirpe un ricanement et mon humeur s'allège.

« Tu arrives quand ? » demandé-je à Nathan.

« Dans trois heures à peu près »

« Ouf, je ne vais plus avoir à supporter seule les orgies d'Ethan. »

« Humaine trop prude »

« Démon dévergondé »

Nathan est amusé, je l'étais aussi, jusqu'à ce que des images des deux hommes et des fêtards, nus, s'imposent dans ma tête. L'horreur !

Pas que l'idée d'une partouze m'effraie, mais en sachant pourquoi l'un baise et que je vais ressentir tout ce que va vivre l'autre, mon cerveau surchauffe.

— Aïe, râlé-je alors qu'une douleur vient de me prendre à la cuisse.

Je jette un coup d'œil à la zone elle est intacte, maudit démon !

Des cris de plaisir attirent mon attention, il ne manquait plus que ça. Heureusement qu'Ethan m'a expliqué qu'il ne baisait pas à chaque fois... Je l'avais compris dans le sens occasionnel, pas dans le sens que quand il avait tout le monde sur place et le temps, c'était presque systématique !

Énervée et un peu gênée, j'attrape les bouchons d'oreilles que je lui ai demandé de commander, me mets en sous-vêtement et vais sous les draps me couper du monde.

Je ne m'endors pas, je ressasse, je suis impatiente de revoir mon démon. Nathan. Et c'est terrible, parce qu'en plus il doit le ressentir ! Lui aussi est content de revenir, mais certainement pas pour les mêmes raisons. Je prie intérieurement pour qu'il ne comprenne pas ce qui m'arrive.

Pour essayer de noyer le poisson de mes émotions, je pense à notre lien pour tenter de le casser. J'en ai toujours envie, mais... Mais j'ai peur de ne plus revoir Nathan après. Cette réflexion m'entraîne dans un tourbillon d'autres, car je me dis que ma peur peut m'empêcher inconsciemment de parvenir à mes fins. Comment mon monde a pu s'axer de la sorte, je suis partagée entre l'envie de retrouver ma vie et celle de ne pas renoncer définitivement à celle-là.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant