11 : Alexandra

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C'est vendredi soir, je ne vais pas me laisser abattre. Si Tom n'est pas dispo, je peux me trouver un mec attrayant tout nouveau pour m'amuser. Avec l'autre nous ne discutons jamais, alors que j'aime bien être stimulée intellectuellement. Donc ce n'est pas plus mal.

Motivée, je me prépare simplement pour aller à Gruissan. La météo de la soirée est un peu mitigée, il a plu dans la journée, en bord de mer l'air sera frais, donc je ne fais pas dans l'extravagance et le dénudé, seulement du suggestif.

Je remonte mes longs cheveux en chignon, sinon avec le vent je vais les bouffer toute la nuit. Puis maquillage léger pour ne pas ressembler à un travelo sur le déclin, des talons compensés pour ne pas me faire noyer dans la masse du haut de mon mètre cinquante-cinq et éviter de me casser la gueule. J'hésite à proposer à Lucie de m'accompagner, mais je me ravise. Je ne suis pas encore prête à lui parler de Benz et à remuer cette histoire.

Après avoir transféré mes affaires dans un sac à bandoulière pour plus de praticité, je quitte Bize le son de ma voiture à plein tube pour me sentir déjà dans l'ambiance.

Les Festejades battent leur plein quand j'arrive à destination, je mets dix plombes à trouver une place où me garer. Je remercie mon bon sens d'avoir choisi une paire de chaussures raisonnables, car je vais passer la nuit à marcher.

Je dois traverser le port pour parvenir au vieux village, des gens sont aux terrasses des cafés. Nous ne sommes qu'en mai donc ce ne sont pas encore des touristes. Quelques personnes me font des sourires et des signes de tête, des clients ou des anciens camarades de classe. La région Narbonnaise n'est pas bien grande, on finit par avoir déjà croisé tout le monde.

Sur les quais, le vent trouve le moyen d'arracher des mèches à mon chignon. Je bataille pour les coincer, mais rien à faire, je vais être coiffée comme une folle. Je ne sais pas comment font les autres nanas ! Avec les bourrasques, je finis toujours par ressembler à rien, alors que certaines sont parfaites en toutes circonstances.

L'air marin est vraiment frisquet, je suis contente d'avoir mis une chemise à manche longue, je regrette presque mon décolleté aguicheur, parce que j'ai froid aux seins. Je note dans ma tête de perverse que je pourrais sortir cette phrase à un mec qui me plait, mais qui ne serait pas très entreprenant pour lui tendre des perches. Car ce soir, quoi qu'il en coûte, je ne rentre pas bredouille !

J'ai l'impression d'être un guerrier qui va mener un combat. Je ne lâcherai rien.

Après mettre faite fouiller à l'entrée, je fonce, dépassant des parents qui paient des ballons lumineux à leurs gosses et qui bouchent le passage. Je ne suis pas la seule à les éviter, des gens passablement éméchés font de même. Je croise un groupe de mecs, mais un peu trop jeunes et je n'ai rien bu, donc je ne m'y attarde pas. Je ne vais pas sauter sur les premiers venus, quand même ! Objectivement, s'ils m'avaient plus, je l'aurais fait, mais ce n'est pas le cas. Sauf que pour mon égo, ce n'est pas l'idéal, donc je fais taire cette pensée.

Le premier comptoir est inaccessible, excepté pour les personnes faisant plus d'un mètre quatre-vingt-dix, ce qui n'est clairement pas mon cas. Il faut jouer des coudes, j'ai soif, mais pas à ce point.

Je commence à déambuler pour prendre mes marques. Je piétine pas mal par endroit au milieu des venelles étroites du vieux centre du village. Pas chassés, rentrées de bide, esquives, c'est du sport de se mouvoir dans la foule. Il faut aimer le contact. Je ne suis là que depuis dix minutes et je ne peux déjà plus compter le nombre de culs que j'ai touché par inadvertance. J'espère rejoindre rapidement à la place du Général Gibert, il y a plus d'espace et les bars seront plus facilement accessibles. Et c'est avant d'arrivée à la liberté que je le croise le petit con avec son air arrogant, il est dans la file qui part dans l'autre sens.

Tom se penche et me fait la bise avec un vulgaire « ça va » et il ne s'attarde pas. Il est entouré de quatre filles et de deux mecs, ça ne devrait rien me faire, mais ça me fout en rogne. Bordel, je suis à deux doigts de laisser mes résolutions aux oubliettes et de rentrer manger de la glace. Je me reprends et fonds sur une buvette. Je commande une bière avec du sirop à l'intérieur parce que sans, elles sont souvent imbuvables. Je me promène un peu en la sirotant pour m'imprégner à nouveau de l'ambiance. Je claque quelques bises et je décline toutes les invitations pour m'incruster. Mon gobelet fini, je vais me le refaire remplir.

Puis une troisième fois.

Et quatre. Le tout, en dansant sur des musiques électros ou typiques des fêtes dans le genre. Je m'amuse. Je bois. Je me fais accoster, mais par personne d'intéressant. Soit des gros queutards, soit des mecs imbus d'eux-mêmes qui passent leur temps à la salle. En même temps, j'ai sûrement des préjugés, mais j'attends d'avoir LE TRUC, une attirance émoustillante.

Les heures défilent, toujours rien et il me faut pisser. Je range mon gobelet dans mon sac et je me rends aux toilettes extérieures en réalisant que je ne vais pas pouvoir rentrer saoule comme je suis. J'envoie un message à Ange, en espérant qu'il sera dans son appart à Gruissan ce soir. Je ne lui ai pas parlé depuis quatre ou cinq mois. Nous sommes bons amis, mais il y a toujours une ambigüité qui me met mal à l'aise quand on est ensemble, il est très tactile et c'est mon ex. Dans l'absolu, je n'en ai rien à cirer, sauf que maintenant, il est casé, alors je l'évite en général. Avec du recul, lui écrire ce n'était pas l'idée du siècle, mais je n'ai pas envie de dormir dans la voiture.

Après m'être soulagée, je prends un raccourci dans une toute petite rue étroite où il n'y a pas d'activité. Cependant, une fois arrivée au bout, deux mecs me barrent le passage. Il y a du monde pas loin, je me raisonne, ils ne peuvent rien me faire, si ?

Voyant qu'ils attendent que je leur rentre dedans, par précaution, je rebrousse chemin, mais ils me rattrapent.

— Où est-il ?! m'apostrophe le plus maigre.

— Qui ? demandé-je en bredouillant prise de panique et en essayant de prendre congé.

— Où est celui qui t'a marquée ?

Je ne comprends rien, je suis incapable de parler. L'alcool m'embrume pas mal les idées. L'autre m'attrape par les épaules pour me secouer alors que je ne tiens pas très bien sur mes jambes.

Je percute le crépi du mur rose derrière moi. Et l'homme revient à la charge, il me secoue à nouveau en me posant toujours la même question. Je n'ai pas le réflexe de crier pour qu'on vienne m'aider, même si peut-être qu'avec les musiques alentour personne n'entendrait.

Puis il se passe un truc étrange. J'ai l'impression que les mains apposées sur mes épaules me brulent par vague et la chaleur s'intensifie. Je supplie le mec d'arrêter, il me serre trop fort, ça doit venir de là. Je vais avoir de sacrés bleus. La douleur augmente. Et à un moment, c'est le choc, je ne sais pas s'il m'a propulsé violemment contre le mur ou s'il y a eu un tremblement de terre. J'ai l'impression d'avoir été agitée encore plus fort. Quoi qu'il en soit, les mecs sont partis et je ne demande pas mon reste. Ange m'a répondu et je me précipite chez lui.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant