8 : Nathan

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Je m'ennuie comme un rat crevé. La dinde de l'autre soir a les nerfs en pelote. La veille, elle s'est apparemment envoyée en l'air et je me serais bien passé de ressentir ce genre de chose. Je commence à saturer de subir tout ce qu'elle vit. J'ai même l'horrible sentiment que c'est de pire en pire.

Je me suis installé sur un pin, non loin du château. Il y a une sorte de marre qui s'étend devant moi. C'est calme, mais le jour décline et je sais que j'ai des chances d'être repéré par un des dix suceurs du lieu. Je n'ai clairement pas envie de me battre et de prendre le risque d'en tuer un, mais j'ai besoin de voir Adnan, alors je reste là.

Puis je l'entends enfin, le vrombissement puissant d'une moto. Heureux, je quitte mon perchoir pour me rendre en grandes foulées au château.

Quand j'arrive, Adnan est aux prises avec le mec froid qui m'a accueilli. Leur discussion est animée.

— ... appelle Briec si tu veux. Mais tu m'énerves V, réellement. Tu ressasses une histoire vieille de mille ans, bordel ! Tu te rends compte ! s'agace Adnan.

— Tu nous as menti, Ice. Comment être sûr que tu n'as pas trouvé un moyen de continuer tes boucheries sous le couvert de je ne sais quelle force !

— Mais putain ! Nathan n'a rien à voir avec mes problèmes de contrôle. Tu mélanges tout ! Et comme je te l'ai dit, c'est vieux de plus d'un millier d'années. Kenan a réussi à me remettre sur le droit chemin et je n'ai plus jamais disjoncté.

— Ice. Tu me caches quelque chose, je le sens.

— Ce mec t'appelle vraiment Ice ? demandé-je en arrivant près d'Adnan.

— Oui ! C'est tout ce que tu trouves à dire avec la merde dans laquelle tu m'as mise ? s'énerve Adnan en me fusillant du regard.

— Je suis dans la merde depuis des semaines parce que je n'arrive pas à te joindre ! Chacun son tour. J'ai dû me servir d'un jeune suceur pour me sortir de ça, provisoirement.

— On parlera plus tard, tu veux ? J'ai des choses à régler avec V, en premier lieu.

Le dénommé « V », me jette à nouveau son regard bleu et froid. Il est terriblement flippant. Plus qu'Adnan et ce n'est pas un compliment, car mon ami habillé de bleu clair, ajouté au gris de ses yeux, avec le blanc spectral de ses cheveux, a un aspect démoniaque. Et je sais de quoi je parle !

— Toi, le démon, tu restes sagement sur les marches ou tu t'en vas, mais je ne veux pas que tu déranges, m'apostrophe ledit V.

J'obtempère gentiment et m'assois sur le perron, je ne le fais pas à cause de l'ordre du dit V, mais parce qu'Adnan me l'a demandé. La porte claque et je me retrouve seul. J'entends un peu de mouvement à l'intérieur, les habitants semblent se lever pour commencer leur nuit. Je finis par voir passer un premier groupe de quatre vampires. Ils me coulent des regards curieux avant de prendre une des voitures et de partir.

Ils ont dû être avertis de ne pas me parler. Mais à l'air sceptique de certains, j'ai bien vu qu'ils me pensaient humain. Au début de ma vie sur terre, je n'aurais jamais cru que les différentes créatures se cloisonneraient au point de ne pas connaître l'existence des autres. Est-ce que notre monde est voué à disparaitre ? Où est-ce que ça nous protègera de l'humanité ? Je ne saurais pas répondre, mais je déteste de plus en plus l'ère actuelle.

L'oisiveté ne me réussit pas. Je ressens beaucoup trop intensément ce que fait la fille dans ces moments-là.

Elle culpabilise. À tous les coups, c'est parce qu'elle s'est envoyée en l'air. C'est bien un truc d'humain ça ! Elle a pris son pied, j'en suis malheureusement témoin, alors pourquoi elle se rendrait malade ? Elle a peut-être choppé une maladie. C'est bien une chose que je ne leur envie pas.

Deux heures passent, j'ai l'impression de faire partie du décor et ça ne me met pas dans de bonnes dispositions. Donc quand un nouveau mec rapplique comme une balle et qu'un nuage de poussière m'entoure, je suis à deux doigts d'exploser.

Je me redresse et toise l'arrivant avec une haine difficilement contenue. Il ne se démonte pas, il a une carrure immense et ne doit pas avoir l'habitude qu'on lui tienne tête.

— Paix, démon, je suis là pour voir si tu n'as pas entraîné notre pote dans un de tes plans foireux. Donc, ne nous donne pas de raisons supplémentaires de te renvoyer aux enfers.

Me faire bousculer par des membres de ma race, c'est une chose. J'ai appris à composer avec, mais être traité de la sorte par un vulgaire parasite de l'humanité, c'est la goutte de trop.

Je sens que je commence à exsuder du pouvoir, malgré mon tatouage. S'il n'était pas là, la puissance aurait certainement fait plier le vamp' arrogant.

— Ça suffit, ne gâche pas tout, intervient Adnan en me touchant l'épaule.

Il a été rapide pour débarquer et me stopper, mais j'ai une folle envie de l'envoyer chier.

— Dis à tes potes d'arrêter de me chercher, commenté-je en bombant le torse de défi.

— Tu m'as mis dans la merde, n'en rajoutes pas.

— Ils te reprochent quoi au juste ? demandé-je en me tournant vers lui.

— Ça te ne regarde pas, Nat'.

Ils retournent tous les trois à l'intérieur. Si Adnan pense que je vais vraiment continuer à rester en dehors de tout ça, il se fourre le doigt dans l'œil.

Je m'assois sagement sur le perron. Je ferme les yeux et je me concentre. C'est dur. Mais je sais que je peux légèrement perfectionner mon ouïe si je veux. Ma vue aussi. Accélérer ma guérison, s'il faut. Mais avec l'entrave qu'il y a sur mes pouvoirs, c'est extrêmement compliqué. Une minute passe, puis je parviens enfin à entendre ce qui se dit dans le salon. C'est le nouveau qui parle :

— ... ne peut te faire confiance. Tu nous as caché que tu étais de mèche avec un démon ! Ce n'est pas rien.

— Je ne sais plus comment vous le dire ! Je ne vous dirai pas ce qui me relie à Nathan, si vous ne me faites pas confiance, tant pis, le contre Adnan.

— Il m'a parlé de problèmes administratifs, qu'est-ce qu'il a voulu dire. Et ne me force pas à aller hypnotiser tous les humains que tu as pu croiser pour le savoir ! réplique V.

— Fait donc ça ! le provoque mon ami.

— Quel service t'a-t-il rendu pour que tu lui sois redevable ?

— C'est un secret. Je préfère mourir que de vous le révéler.

— Purée ! Ice, arrête de jouer à l'imbécile. C'est justement pour éviter d'avoir à t'exécuter qu'on te le demande. Tu avais promis d'arrêter de tuer quand Kenan t'a aidé et que tu ne nous cacherais plus rien. Si tu ne veux pas me le dire, c'est que tu as forcément des horreurs à dissimuler. Et tu sais aussi bien que moi que si les nôtres découvrent qu'on cache des choses pareilles, ça nous condamne aussi. Trop de morts, c'est trop de visibilité pour notre espèce !

— Je ne sais plus comment vous le dire, bordel ! J'ai connu Nathan avant de vous rencontrer, donc je ne n'ai rien caché à Kenan, ni à vous. Je lui serais éternellement reconnaissant d'avoir pris le risque de m'apprendre le contrôle. Je ne commets plus de carnage. J'arrive pas à croire que vous pensiez que je puisse trahir la mémoire de feu Kenan. Lui et moi on a été amis, amants. Jamais je ne le trahirai, ni vous d'ailleurs ! Pourquoi vous ne me faites pas confiance !

— Parce que nous ne sommes pas une espèce à entretenir des secrets. Et encore moins entre nous. Je suis déçu de toi, déclare le nouveau.

— Tu comptes me tuer ? Pour de simples doutes ? Et je suis supposé me laisser faire ?

Mon poil se hérisse et la colère me gagne, il est hors de question que je les laisse le tuer. C'est afflux émotionnel, m'a fait perdre ma concentration, je n'entends plus rien. Je ne sais pas quoi faire, mais débouler, ne me parait pas une bonne idée, je ne le ferai que s'il y a du grabuge, alors je reste attentif.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant