32 : Nathan

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Un poids réconfortant réchauffe mon dos, il est l'opposé de tout le reste, car mon corps me semble peser dix tonnes et chacun de mes muscles est courbaturé. C'est simple, je n'ai pas encore ouvert les yeux que j'ai envie de me rendormir. Je fais néanmoins un effort et me décale pour pouvoir me mettre sur le dos. La position à peine trouvée, Lex se retourne et se niche contre moi. J'ai un instant de blanc, je réalise que je ne me souviens pas m'être allongé avec elle, mais surtout, je crois que j'éprouve de la gêne ! Mes joues chauffent un peu et un nœud vient se loger dans mes entrailles. Comme si elles avaient besoin de ça, alors qu'elles se remettent à peine d'avoir été pourfendues. Je pourrais me convaincre que cette sensation désagréable est une séquelle du sabre, mais même ma mauvaise foi démoniaque ne va pas jusque-là.

Lex lâche un soupir et resserre sa prise contre moi. Puisant un peu dans mes pouvoirs, je parviens à améliorer ma vue. Le visage que je découvre est lisse, relâché de toute inquiétude, j'avais oublié la tête qu'elle a quand elle n'est pas constamment minée. Des souvenirs de notre rencontre me reviennent. Elle tenait mal sur ses jambes et riait aux éclats. Ses yeux acajou se sont posés sur moi et j'y ai lu une lueur de convoitise. Une proie facile et à mon goût. En me pointant ce soir-là, j'avais eu pour plan de squatter chez la personne qui organisait, mais Lex m'offrait mieux avec sa concupiscence. Des gens risquaient de rester dans cet appartement pour décuver, donc je devais tenter ma chance avec la brunette solaire et trop bavarde pour avoir la paix.

Elle était tellement ivre que j'ai vite deviné que nous ne coucherions pas ensemble. Avec d'autres, ça aurait été un soulagement, mais dans ce cas-là, c'était dommage et je me promettais que c'était partie remise, puisque ça me permettrait sûrement de gratter quelques nuits supplémentaires – en plus de prendre du bon temps.

L'amertume de l'agression et de la création du lien me reviennent en pleine poire. Une décision si insignifiante que de choisir Lex plutôt qu'une autre femme – ou homme – et nous voilà embarqués pour un avenir qui s'assombrit de jour en jour. Qu'est-ce qui s'est passé cette nuit-là... Je crois que mon temps est compté, entre le bordel qui vient de s'abattre sur le monde et les incertitudes sur ce qui me raccroche à Lex. Il va me falloir prendre des décisions, je n'ai pas l'impression d'avoir soixante possibilités. Soit je reste planqué avec Lex jusqu'à ce qu'on parvienne à briser ce qu'il y a entre nous, ce qui me paraît de moins en moins crédible. Soit je pars débusquer une sorcière coûte que coûte pour avoir de l'aide, ce qui me semble utopique. Sauf que si je veux voir une sorcière, c'est maintenant ou jamais, les démons ont l'air motivé à les anéantir.

Un temps, je ressasse toutes les impasses qui me font face en déroulant une infinité de scénarii, jusqu'à ce que Lex grogne et prenne encore plus ses aises en passant une de ses jambes entre les miennes. Son bienêtre vibre entre nous et m'arrache un sourire.

Il y a un flottement pendant que je reste les lèvres en demi-lune, jusqu'à ce que je réalise ma réaction et grimace. Il faut que je la dégage ! Ou mieux, que je me barre ! Je ne veux même pas analyser ce que j'ai ressenti, ce sera peut-être le seul côté positif si je finis par retourner en enfer, j'aurais de quoi m'occuper l'esprit avec tout ce que je refoule.

J'entreprends de la pousser, elle couine et s'agrippe à moi comme une moule à son rocher. Le pompon de la situation, c'est qu'elle se frotte pendant qu'elle arrange sa position. Elle s'éveille j'ai l'impression, je suspends mon geste, sauf qu'au lieu de sentir de l'embarras la submerger – comme c'est le cas la moitié du temps –, c'est de l'excitation qui la gagne. À n'importe quel autre moment de ma vie, je pense que la situation m'aurait flatté ou au moins que j'en aurais profité. Mais là, je ne suis même pas certain que ce n'est pas simplement la réminiscence de son rêve qui parle et, surtout, j'ai conscience qu'en plus de notre lien psychique, elle a une emprise sur moi. Je n'en connais pas la nature, sauf que cette réalité commence à m'effrayer.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant