43 : Alexandra

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Ethan est resté avec moi plusieurs jours. Il m'a aidé à récupérer mon taf et à orienter les pensées des gens de mon quotidien. Même si je me sens étrangère dans ma propre vie, maintenant. Il m'a même présenté sa mère, une femme charmante. J'ai été un peu attristée de le voir lui mentir pour justifier son manque de nouvelle, il a prétexté être allé rendre visite à la famille de son père aux États-Unis. Il est évident qu'il a dit ça en sachant que sa mère ne creuserait pas, elle a balancé quelques insultes en patois à destination du géniteur de Nathan avant de changer de sujet.

Dans cet instant, je me suis sentie privilégiée de rentrer dans la partie la plus privée de l'existence du vampire. Sa famille humaine, c'est son point faible. Surtout qu'il est évident qu'il les aime.

— Que tu es distraite ! commente Cécile alors que j'ai mal compté les boîtes pour l'ordonnance de madame Blanchard.

— Désolée, grimacé-je.

Cécile prend ma place et j'en profite pour me replier dans l'arrière-boutique. Accroupie, appuyée contre les casiers de rangements, je souffle et ferme les yeux. J'ai une furieuse envie de pleurer, je me sens vide et à l'étroit dans ma poitrine. Une mélasse de sentiments qui me coupent l'appétit, des images qui fusent – que mes paupières soient closes ou non. Des pics d'angoisses et de désespoirs qui se disputent le devant de la scène. Je suis presque contente que Nathan ne puisse plus ressentir ce que je traverse, il n'a pas besoin de ça. S'il est toujours en vie... Même si j'imagine que le mot n'est pas approprié, je ne suis pas certaine d'avoir tout compris, mais il est en danger.

— Tu veux rentrer ? me surprend Cécile.

— Non, c'est bon.

— Tu n'es bonne à rien, je ne peux pas me permettre de devoir vérifier tout ce que tu fais.

— Je...

Je quoi au juste ? Je vais me reprendre ? Comme si le dire avait un quelconque pouvoir magique... Si j'en étais capable, je ne serais pas dans cet état.

— Tu m'inquiètes, ajoute ma patronne. T'es sûre qui ne s'est rien passé de spécial durant tes vacances ?

Une grimace m'échappe. Des vacances... Les images de la gorge tranchée de l'ange roux me reviennent en mémoire, suivies de près par le corps d'Ethan supplicié, puis du mien. Je ferme les yeux avec violence en espérant chasser tout ça, mais c'est peine perdue. Maintenant qu'il n'y a plus d'urgence à ma survie, les évènements passés étouffent mon présent.

— Bonjour ! lance une voix chaleureuse.

— C'est une partie privée ! s'énerve Cécile en se retournant vers le nouveau venu.

Sauf qu'elle n'a pas le temps d'en dire plus, Ethan lui fait un discours avec sa voix monocorde et elle repart derrière le comptoir.

— Tu veux parler ? m'invite Ethan en s'accroupissant pour se mettre à ma hauteur.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

— Une intuition.

Il a hésité avant de répondre, mais je l'ai peut-être rêvé. Je suis tellement fatiguée, je ne dors presque plus.

— Tu peux lâcher ton travail quelque temps, je t'aiderai à le récupérer plus tard si c'est ce qui t'inquiète. T'as besoin de souffler. De digérer tout ce qui s'est passé.

Je relève les yeux pour fixer les siens, dans ces iris bruns aucune ombre ne semble le hanter, alors que lui aussi à traverser l'enfer. Je me sens faible. Aussi con que puisse être cette réflexion.

— Alex, t'as vécu des trucs traumatisants ! Il faudrait peut-être que tu acceptes d'en parler.

— Toi aussi, dis-je sur la défensive.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant