38 : Nathan

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Ces connards ont violenté Lex ! Elle souffre, ma colère devient très dure à museler, mais je ne dois pas céder, car même si je prenais le dessus, je risquerais de les tuer, et même s'il n'y a que leur enveloppe qui disparaitrait, ça compterait comme un décès et adieu ma protection...

— On a chopé ton humaine bizarre. Explique ce qu'il en ait, sans qu'on ait à la torturer, c'est un conseil, attaque Foras.

— Il n'y a rien à expliquer.

— Mensonge.

Zavebe arrive sur ses entrefaites en laissant tomber Ethan d'une dizaine de mètres de haut. Le corps inerte rencontre le sol dans un son mat, le pire de tout c'est qu'Ethan me parait mort. Quel gâchis !

— Il est moribond ton vampire, s'amuse Foras en fixant son collègue. On va pas pouvoir jouer longtemps avec lui.

— J'ai pas voulu prendre de risque et me faire surprendre comme la dernière fois.

— Tu tiens à ce vampire ? me demande Foras.

Impassible, je ne cille pas.

— Il a un léger attachement à lui, je crois, conclu ce foutu démon. Donc voilà les règles, soit tu réponds et on y touche plus, soit tu continus à t'enfermer dans ton mutisme et quitte à devoir lui refourguer notre sang, on le torturera pendant des jours.

— Je le connais depuis quelques semaines, il a été serviable, c'est tout. Tu as surestimé mon attachement.

Sans la moindre hésitation, je me rends près du suceur inconscient. Zavebe ne l'a pas raté. De ce que je vois, il a la mâchoire cassée, un bras déboité et une fracture ouverte d'un tibia. J'imagine que ce que je ne vois pas est pire, mais sans la moindre hésitation, je plante un coup de pied au corps, puis je me baisse et lui fracture un bras.

— Je peux le tuer si vous voulez ! proposé-je.

— Il est sincère, commente Foras en direction de Zavebe.

Évidemment que je le suis, s'ils me le demandaient, je le ferais, même si ça brisait mon sceau, pour la simple et bonne raison que je savais qu'ils ne me l'ordonneraient pas. Je n'étais pas sûr que ce raisonnement fonctionne sur le don de ce connard de Foras, mais ça a été le cas. Heureusement, car plus j'y pense, plus je me dis que si j'avais eu le temps d'y réfléchir, jamais je n'aurais pu être sincère, parce que je n'ai pas envie de briser ma malédiction, c'est ma seule protection à l'heure actuelle.

— Dommage, tant pis, on se servira de lui pour faire parler la femme ! répond le déchu.

— Oh le doux parfum d'inquiétude ! commente Foras en reniflant profondément. Tes défenses mentales fondent, bientôt tu ne pourras plus rien me dissimuler.

Je serre les dents.

— Bien, reprend Foras. Comment as-tu rencontré l'humaine ? As-tu confiance en elle ? L'as-tu choisie ? Est-elle immortelle ? Connait-elle tous tes petits secrets ?

Foras enchaînent les questions et un sourire de contentement prend de plus en plus de place sur son visage. Quant à moi, je me rends compte que des souvenirs afflux à l'orée de ma mémoire, je suis sous son emprise. J'espère qu'il ne peut pas directement voir dans ma tête, sinon tout est foutu.

Le cœur qui se serre étrangement, je revois le sourire de Lex lors de notre première rencontre, je me souviens même de notre discussion. Elle s'était inquiétée de savoir si tout allait bien dans ma vie, elle avait manqué affreusement de tact, elle s'imaginait – à juste titre – que si j'avais revendu le téléphone c'est que j'avais besoin d'argent. Elle m'avait même proposé de joindre des associations et de faire les démarches avec moi puisque je n'avais plus de portable.

L'étau autour de mon palpitant devient encore plus étroit, j'avais oublié ces détails, cette sollicitude sans limites qui avait continué dans la ruelle quand les démons m'ont agressé. Même saoule – ou peut-être parce qu'elle l'était – quand ils m'ont bousculé, elle s'est interposée. Ils l'ont violemment repoussé et sont partis après m'avoir précipité au sol aussi.

Un sentiment de suffocation me prend. Pendant un instant, je crois qu'il vient de Lex, puis je comprends que c'est moi le problème. Cette gentillesse, son regard affolé alors qu'elle était blessée, déboussolée et qu'elle s'est précipitée à mon chevet au lieu de s'inquiéter d'elle. Ce drôle de sentiment chaud dans la poitrine que j'ai ressenti à ce moment-là, le mélange de sang, le lien... Oh bordel de merde ! Mon inconscient s'est accroché à elle, influencé par sa gentillesse... Sans rire ! Putain ! Kveta avait raison.

— Oh... Nathan semble éprouver des sentiments ! commente Foras.

D'où ce con connait mon prénom ?!

— La tête de chouette qu'il fait, intervient Zavebe. Eh oui, ta copine Alexandra est bavarde...

Je me concentre sur le lien, elle ne souffre pas, mais elle est confuse, va savoir quels pouvoirs possèdes Gusoyn. Heureusement qu'elle ne sait pas tout.

Ethan choisit ce moment pour grogner et reprendre connaissance.

— Bouge vampire, pour me donner une bonne raison de recommencer à te frapper ! l'avertit le déchu. Je veux bien te donner un peu de mon sang si tu réponds à mes questions !

Le ricanement étouffé qui échappe à Ethan me rend un peu fier, je savais que le bleu était fêlé, mais pas à ce point. La sanction ne tarde pas à tomber, Zavebe lui écrase violemment un bras. Le geignement assourdi qui échappe au suceur me hérisse les poils. C'est une scène avec un déjà vue désagréable, sauf qu'à l'époque les protagonistes étaient Asmodée, Ice et moi. Je suis tout aussi impuissant qu'avant...

— Oh tu n'aimes pas le voir souffrir, s'amuse Foras.

— Être démon ne me prive pas d'un minimum de savoir-vivre, répliqué-je en espérant ne pas aggraver notre cas.

Zavebe devient de plus en plus violent, le suceur ne rit plus, mais il ne desserre pas les lèvres pour autant. À force, le démon parvient à lui arracher des cris à réveiller les morts sur un rayon de cinq kilomètres. Le pire dans tout ça, c'est que je sais que Lex les a entendus, son inquiétude, son angoisse et sa colère ont réagi au son.

— Zav' il va crever ! l'avertit Foras.

— Fin du premier round, ricane le déchu.

Il retourne le suceur pour le mettre sur le dos, sort un poignard d'une gaine à sa taille et se coupe l'avant-bras dans le sens de la longueur juste au-dessus du visage du bleu. Le sang coule sur la carcasse de souffrance, la réaction est immédiate, Ethan se décale sous le filet vermillon et avale.

Sa respiration se calme vite, surtout après qu'il ait guidé les fractures pour les réaligner.

— Round deux ! annonce Zavebe qui ne semble pas vouloir lui accorder un répit.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant