— Comment il fait pour que je n'arrive plus à contrôler mes gestes ? demande Alexandra, pendant qu'elle examine sa peau guérie.
— Il t'hypnotise, c'est un des atouts de son espèce. Suis-moi, on va changer de pièce, hors de question que tu tentes à nouveau de te barrer par la salle de bain.
Elle se retourne pour regarder la porte et les débris au sol. Sa vague de culpabilité me gagne. Je n'arrive pas à croire qu'elle se sente mal pour l'état des meubles. Ces humains sont vraiment incompréhensibles. Je prends sur moi de ne pas me mettre en colère, alors que j'ai une véritable envie de tout péter et de gueuler de frustration de ressentir tout ce qu'elle traverse. Mais je suis réaliste, si je la braque tout va être encore plus compliqué.
Nous nous installons au salon. Je m'avachis dans le canapé en coton gris, Alexandra contourne l'ilot de la cuisine pour se servir de l'eau et se rincer la bouche. Dommage, ça lui allait bien le rouge colorant ses dents. Elle avait un petit aspect sauvage, un peu plus tentant que son côté trop... trop lisse. Banale. Combien de femmes comme elle ai-je déjà rencontrées ? Une infinité.
— Tu risques de tacher le tissu, me fait-elle remarquer en se retournant.
— Et je n'en ai rien à foutre, tu as bien dégueulassé le lit et le sol jusqu'ici avec tes pas sanglants.
Horrifiée, elle regarde vers le marbre et ses chaussettes qui commencent à prendre une couleur rouille. Des sentiments que je n'ai jamais ressentis me parcourent. Énormément de confusion et le reste est indéfinissable pour moi. Il y a comme une incrédulité. La dinde ne bouge pas quelques secondes à fixer ses pieds avant de déclarer dans un souffle :
— Ça ne peut pas être réel...
Je n'ose pas intervenir, je suis incapable de comprendre ce qu'elle traverse et je n'ai jamais été doté d'empathie. Alexandra s'effondre dans tous les sens du terme. Elle se retrouve prostrée au sol, en larme, secouée de violents spasmes.
Je reste dans l'expectative, sûrement un peu trop longtemps. Puis je finis par me relever et m'approcher d'elle. Si nous n'avions pas le lien, je n'aurais certainement pas sauté le pas, parce que je n'aurais vraiment pas compris. Là, je ne comprends pas, mais son mal-être est bel et bien réel et je ne veux pas que cet état perdure.
Maladroitement, je pose ma main sur son épaule. Ça l'effraie davantage. C'est bien ma veine.
— Alexandra, tu ne dois pas avoir peur de moi, je te promets que je ne te ferais rien et que quand le problème sera réglé on te rendra à ta vie. On pourra même essayer de te faire oublier.
— Tu ne comprends pas ! crache-t-elle. C'est bien ce qu'il y a de plus horrible, c'est que vous pouvez faire de moi ce que vous voulez. Ce n'est pas supposé exister ! Vous n'êtes pas supposé exister... Je vais forcément finir par me réveiller.
— Ice ne te contraindra plus à rien, si tu promets d'être coopérative.
— Rien ne me garantit que tu ne me mens pas. Et je ne comprends même pas comment je peux être mêlée à... à vos trucs.
— Ice m'a suggéré d'être honnête avec toi, alors je vais te dire tout ce qui ne te mettra pas en danger. Le soir où nous nous sommes rencontrés, nos sangs se sont mélangés et je ne sais pas par quel mécanisme ça nous a liés. Le problème c'est que mon aura démoniaque est perceptible sur toi, donc d'autres démons veulent te tuer. Et si jamais tu meurs, tu es condamnée à l'enfer.
— Délie-nous ! Je... Oh mon dieu ! Mais bordel ! L'enfer, le paradis, les démons, rien n'est supposé exister.
Elle se remet à pleurer, elle est terriblement confuse et même si je ne me l'admets pas, ça fait plus que m'énerver. Je crois que j'éprouve de la peine.
— Lex, je ne sais pas comment faire. Mais je suis sûr qu'en y travaillant tous les deux ça pourra le faire. Soit consciente que quoi qu'il arrive, si tu meurs moi et Ice on est condamnés. On ne laissera pas ça arriver.
— Tu sembles parfois très égoïste et à d'autres tu es gentil. Je ne comprends pas.
— C'est moi qui ne suis pas ton raisonnement.
— Parfois tu sembles te soucier... et après il te suffit d'ouvrir la bouche... de te faire passer avant tout le monde, ou d'être dur pour rompre le charme. Je suppose que si tu m'as aidé avec Benz c'était par intérêt, mais merci... Même si je réalise que vu ta nature, il n'est pas vraiment un problème pour toi. Je... même en essayant d'accepter, j'ai l'impression que ce n'est pas possible.
— Explique-moi pourquoi tu ressens une pointe de culpabilité ?
Alexandra me regarde comme si des cornes me poussaient. Elle est toujours en boule au sol. Du sang tache presque tout. Mais une fois la surprise passée, ses traits se parent de détermination. Elle se redresse et se relève. Elle me domine. Je n'en ai pas grand-chose à faire, alors patient, je regarde ce qui va suivre avec intérêt.
— C'est ce fameux lien qui fait que tu sais ça ?
— Oui, j'éprouve tes émotions et tes sensations physiques.
— Est-ce que ça peut être dans les deux sens ?
— Je n'en sais rien
— Je me sens bizarre depuis hier soir. Je ne comprends pas trop, ce n'est pas très clair, mais c'est comme si j'étais en colère, c'est toi ?
J'éclate de rire. Parce qu'elle me gronde et parce que je préfère avoir cette réaction que m'énerver contre elle, ce qui n'arrangerait rien. J'ai accentué notre partage en envoyant mon pouvoir au travers d'elle, momentanément c'était la chose à faire, mais sur le long terme je me suis peut-être condamné. J'acquiesce et lui relate ce qui s'est passé la veille.
Fièrement, elle a repris le dessus et ne laisse plus transparaître ses émotions. Je ne sais pas si elle a bien compris ce que je lui ai expliqué – qu'elle est transparente pour moi – mais je sens qu'elle a besoin de paraître bien pour se sentir mieux.
Le temps passe, elle a fini par s'asseoir sur le canapé. Je l'ai imité en silence, pendant qu'elle réfléchit.
— Attends ! Si c'est toi qui m'as poussé à avoir des comportements stupides, c'est toi qui m'as foutu dans la merde avec Benz ! Quand tu ne seras plus lié à moi, il pourra me faire ce qu'il veut !
— Je ne t'ai poussé à rien. Si ce gland est réellement un problème, je m'en occuperais. Enfin, Ice s'en occupera.
Je ne mentionne pas qu'Adnan va faire des recherches sur toutes les personnes de son répertoire et que le petit con arrogant doit certainement en faire partie. Ensuite, il les hypnotisera pour faire en sorte qu'aucun ne s'inquiète pour Alexandra. Le dealer ne sera plus un problème. De toute façon, je ne suis pas certain qu'on puisse la rendre à sa vie d'humaine. Peut-être que le temps qui lui reste à vivre est le compte à rebours qui me mènera à ma fin. Je suis enfin plus serein avec cette idée, sûrement parce que je ne réalise pas vraiment. Disparaître ne m'effraie pas, puisque je ne parviens pas à le visualiser. Je ne sais même pas si c'est ce qui va m'arriver. Mon essence est éternelle et elle renferme ma puissance démesurée. Si mon existence est découverte, elle serait peut-être capturée pour m'empêcher de reprendre chair. Si j'étais rendu au néant, ce serait une fin moins affreuse que de rester captif indéfiniment. Les siècles où j'étais prisonnier hantent encore mes nuits et mes moments de veille. Une seconde, je comprends Alexandra et son angoisse qu'on puisse faire ce qu'on veut d'elle, mais cet état de faiblesse me passe vite.
Une idée me traverse, est-ce que moi aussi je suis influencée par elle ? Réfléchir autant n'est pas dans mes habitudes. Cependant malgré mes efforts mon esprit mouline. Las, je soupire, je vais devoir faire avec.
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Ne Jamais Dire Jamais
ParanormalQuand le chemin d'Alexandra croise celui de Nathan, les choses se compliquent pour tous les deux. Alexandra n'est qu'une simple préparatrice en pharmacie qui aime passer du bon temps avec ses amis. Nathan cache sa nature démoniaque pour espérer viv...