19 : Alexandra

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Le temps a passé, je ne sais pas combien au juste. Nous sommes enfermés, les volets sont clos, sans pendule et hors de question que je demande l'heure à Nathan. J'ai faim, mais surtout je tombe de fatigue.

— Ton envie de dormir devient insupportable, suis-moi !

Docile et toujours un peu étonnée de voir qu'il sait ce que j'éprouve, j'obéis.

Il m'emmène dans une chambre. Identique à la première en taille, mais avec un mobilier légèrement différent.

— Va te doucher si tu veux, mais tu laisses la porte ouverte. Je reste là, mais à la moindre chose suspecte, je rentre. On n'a pas encore de vêtements de rechange, donc dort à poil ou avec tes habits dégueulasses, je m'en fous.

Ça a le mérite d'être clair. Dans la salle de douche, il y a des serviettes, j'envisage de me vêtir avec, parce qu'outre le sang, mes habits je les porte depuis la veille au soir. J'ai énormément transpiré, il y a l'odeur de tabac et même quelques traces de bières dues aux éclaboussures de soulards durant la fête à Gruissan. Je me sens vraiment très sale.

Je suis assez stupéfaite que Nathan n'ait pas poussé le vice au point de venir me voir prendre ma douche après l'épisode de tout à l'heure. Alors que je ne devrais pas, je suis reconnaissante. Ça n'a aucun sens, ce mec m'a enlevé, il me séquestre et j'éprouve des sentiments positifs envers lui. Est-ce qu'il le sait à cause de notre lien ? Encore une chose que je n'arrive pas à réellement comprendre. J'ai l'impression de nager en plein délire.

Je décide de faire taire mon cerveau et entre dans la spacieuse cabine. J'évite l'eau froide qui sort du pommeau en pestant, c'est tellement déplaisant d'être éclaboussée quand elle n'est pas chaude. Je teste la température avec ma main et je la monte. Encore. Toujours un chouya plus. La vapeur m'emprisonne et le liquide est brûlant, je me place dessous. L'agréable douleur me déclenche des frissons.

— Tu es une grande malade ! hurle Nathan dans la pièce voisine. Sors de l'eau tout de suite où j'entre.

Je coupe le jet avec un moment de flottement. Je tente de comprendre.

— Tu essaies de te tuer ? reprend-il.

— Non, j'adore quand elle est bouillante, c'est délassant. Tu n'es pas supposé être un démon ? La lave, l'enfer ce n'est pas chaud ?

— Est-ce que j'ai une tête à prendre des bains de lave ? Mon corps est humain. L'enfer est chaud, mais ce n'est pas pour autant que je trouve les hautes températures agréables. Donc baisse, tu n'es pas un homard.

Je ris. Je ne sais pas s'il a essayé d'être drôle, mais entendre son mécontentement me montre qu'il est peut-être plus humain qu'il ne le croit. Et ça me rassure, car même en colère il ne s'en prend jamais physiquement à moi. Peut-être qu'ils m'ont enlevé réellement pour mon bien, sans avoir le choix. J'ai envie d'y croire. Il me faut y croire. C'est une nécessité si je ne veux pas m'écrouler. J'ai l'impression que mon bien-être mental est sur une corde raide et peut flancher à tout moment.

Je finis de me laver avec de l'eau raisonnablement tiède et c'est emmitouflée dans trois serviettes, dont une pour mes cheveux que je retourne dans la chambre. Je me glisse sous le drap et la couette, tout d'un coup mal à l'aise de la situation. Je me sens vulnérable, mes bravades me semblent un peu loin et je m'en veux de ne pas être plus couverte. J'ai l'impression d'être entièrement nue.

— Je ne te ferais rien.

— Tu entends aussi mes pensées ?

— Non, mais tu es anxieuse et je suis la seule autre personne dans cette maison. Honnêtement, tes sentiments m'épuisent si tu pouvais t'endormir, ça m'arrangerait.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant