Ne Jamais Dire Jamais

28 : Nathan

Nous choisissons de petites routes, guidés par le GPS. Maintenant que je sais que le monde grouille de démons plus que l'enfer, il est hors de question de prendre des risques inutiles en arpentant de grands axes.

C'est Lex qui conduit. Un de ses arguments a été que c'était le conducteur qui choisissait la musique. Je n'y ai vu aucun inconvénient, bien au contraire, j'ai l'impression que ça l'aide à reprendre pied. Elle est perdue et je la comprends. Je ne lui dirais pas à voix haute, mais elle force mon respect. À sa place, je pense que d'autres humains auraient complètement vrillé. Ils sont tellement fragiles !

Les routes sont désertes, il fait nuit et je parviens à me détendre et même à dormir un peu. Ethan joue sur son téléphone à l'arrière et j'ai fini par accepter que je ne peux pas tout contrôler. Ice me l'a envoyé, il m'a écrit un texto, peu après notre départ, pour me dire que le bleu était de confiance, alors j'ai cédé. En quelques jours, ce secret sur ma puissance, qui n'était connu que de Ice, de la sorcière et moi, a trois nouveaux porteurs. Trois vampires. Je ne veux même pas penser à ce que ça va donner dans l'avenir, c'est l'avantage d'être englué dans un présent aussi merdique.

Il fait nuit quand nous arrivons, nous sommes à quelques kilomètres de La Salvetat, près du lieudit La Jeante. Les bois sont déserts, Lex a eu de plus en plus peur quand je l'ai encouragé à continuer de s'enfoncer au milieu des arbres sur des chemins de terre.

— Y'a pas un bruit, autre que celui des animaux, à des kilomètres à la ronde, murmure Ethan une fois que nous sommes sortis de la voiture.

— Il y avait un Somnore, avant, par ici.

— Avant, je le confirme, car un village, ça veut dire des gens et crois-moi, y'a pas d'humains dans ces bois. Je suis en forme, je le saurais.

— On va voir quand même !

Ethan m'emboîte le pas sans argumenter, même si je le sens septique, et Lex s'est placée entre nous deux.

Le sentier est défoncé par des troncs d'arbres qui ont été tirés après avoir été abattus, j'arrive à me concentrer pour améliorer un peu ma vision, mais Lex jure à plusieurs reprises.

— Quelqu'un pourrait pas me donner son téléphone ! râle-t-elle. Je ne vois rien ! Je vais pas appeler quelqu'un, je veux juste me servir du flash !

— On va éviter de prendre le risque d'être repéré, dis-je. Si jamais le Somnore est apparu, y'a peut-être l'armée qui le surveille.

— Y'a pas d'humains ! insiste Ethan. Si des militaires trainaient quelque part, je les aurais sentis ou entendus !

Je me contente de lever les yeux au ciel, parce que je ne compte pas leur dire que j'ai surtout peur que des démons cherchent aussi le Somnore. Les sorcières et eux ça n'a jamais été le grand amour, c'est elles qui ont en premier lieu scellé les bouches de l'enfer, je ne serais pas étonné que par précaution les démons veuillent leur faire la peau. Je n'écoute plus les deux jeunes et me concentre pour me souvenir de la direction à prendre. Le ciel est dégagé, malgré la brise qui s'est levé et je me sers des étoiles pour m'orienter.

Après un énième bruit de cailloux et une injure étouffée, Ethan propose à Lex de la porter sur le dos et elle accepte ! Le pire, c'est que je sens qu'elle est un peu réceptive au charme du vampire. Dire qu'ils se sont déjà embrassés ! Ça me fait chier de le reconnaitre, mais je crois que je suis possessif. Je préférais quand elle n'avait d'yeux que pour moi. Sauf que pour le moment, ce n'est pas le plus urgent.

Après quelques dizaines de mètres de dénivelé supplémentaire, sur ma gauche, je remarque le reste d'un mur, enseveli sous de la mousse. Ravi, je prends cette direction, nous touchons au but. Au sol, nous croisons de plus en plus de pierres et de ruines. Jusqu'à ce qu'on arrive à l'ancienne place du Somnore. Il y a les deux mêmes bassins que dans mon souvenir. Ils sont plutôt en bon état comparé aux restes des infrastructures, dont certains qui n'existent plus du tout.