3 : Nathan

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Encore une nuit à faire les cent pas dans Narbonne pour espérer croiser un putain de suceur de sang. Mais rien. Le vent me malmène, je n'ai pas froid, sauf que ça a tendance à me chatouiller nerveusement. Sans parler du boucan que ça fait.

Je m'impatiente, je n'ai plus un rond et il hors de question que je couche simplement pour avoir un toit une nuit de plus. Je maudis la vie humaine actuelle qui complique tout, c'était tellement plus facile avant. Et je maudis aussi les règles qui régissent mon monde nous interdisant de nous montrer. Ça ne tiendrait qu'à moi, je les assujettirais tous ces cafards d'humains. Plus besoin de prendre de gants, de charmer les hommes et les femmes pour avoir ce que je veux et, encore moins, mendier de l'aide à ces minables et damnés suceurs.

J'essaie de me calmer, j'inspire profondément. J'ai envie de tuer et je vois rouge. Il ne manquerait plus que je foute en l'air plus d'un millénaire de précautions pour si peu. Je vais bien finir par en trouver un de vampire et demain il m'accompagnera à la banque pour que je puisse récupérer du pognon sans avoir besoin de papiers. Savoir que mon argent dort sur des comptes sans que j'y aie accès continue de me foutre en rogne et c'est vraiment mauvais. Ma colère a tendance à révéler ma nature à ceux de mon monde qui croiseraient ma route. Et je vais encore attirer des démons, comme avant-hier soir quand ils m'ont surpris avec la nana bourrée. Je me sens humilié. Pour mon salue, je sais que je dois passer pour un démon faible, mais bordel que c'est dur !

Je n'ai jamais eu le plaisir de goûter à ma puissance ni celui de tuer. Et parfois, comme ce soir, j'ai presque envie de tout foutre en l'air. D'offrir la mort pour savoir si j'aime ça. Et aussi, enfin, pour briser le scellé qui cache l'étendue de ma nature, mon tatouage que j'aime autant que je le déteste.

Il est l'unique rempart entre moi et la fureur de mon créateur, des enfers, des anges et de qui sais-je encore. En réalité, je sais simplement que depuis ma naissance je suis supposé être mort et que beaucoup de monde veut que ce soit le cas, à cause de ma puissance. Comme je ne suis pas supposé vivre, dur d'avoir des réponses, mais mon début d'existence à été assez merdique pour que je sache que rester caché est la meilleure solution.

Surpris par une douleur, je regarde mon coude, mais rien. Je grogne de colère ! Je suis relié à la dinde de l'autre soir dont je suis incapable de me rappeler le nom ! Cette cruche a trouvé le moyen de mélanger nos sangs et de nous lier ! Je n'ai pas la moindre foutue idée de quand je vais arrêter d'avoir conscience de ce qu'elle traverse. Surtout qu'elle passe son temps à se faire mal, où tous les humains sont comme ça. Je n'en sais rien, mais ça me rend fou. C'est bien ma veine. Tout tourne mal ces derniers temps.

Je m'oblige une ultime fois à retourner à la place de mairie. Il doit forcément y avoir des suceurs dans Narbonne. Il y en a pratiquement partout. Je refuse d'aller dans des villes trop peuplées pour éviter des rencontres avec des personnes de la même engeance que moi qui prendraient plaisir à me malmener. Ici c'est calme. Si jamais j'en croise, c'est le genre qui préfère quand même se faire tout petit et ne pas prendre de risque inutile. C'est à cela que je dois le fait d'avoir peu ramassé sur la gueule samedi. Une fois m'avoir mis à terre, ils se sont barrés les deux connards.

Las, je finis par m'asseoir au centre de la place, les pieds ballants dans le vide au-dessus des pierres romaines. Je sais que je vais devoir bouger si je ne veux pas voir débarquer une patrouille de flics, il y a des caméras dans ce coin, mais je m'autorise quinze minutes d'attente.

Elles finissent par payer. Un jeune homme, complètement défoncé, passe près de moi et je distingue la marque dans son cou. Une toute petite entaille faite par le couteau dont s'est servi le suceur pour ne pas laisser de traces de crocs. Je me précipite dans la direction d'où arrive le repas. Les sens aux aguets.

Ne Jamais Dire JamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant