Chapitre 34

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On est retourné à l'appartement de Gwen, d'ailleurs, celle-ci était très inquiète, et quand on est rentré, on a eu le droit à un sermon. Pourtant, quand Astrid lui a expliqué ce qu'elle comptait faire, à savoir livrer Antonio à la police, son visage est devenu plus pâle que les murs du salon.

Astrid... tu ne peux pas... Commence-t-elle d'une voix faible. Voyons, ça signerait ton retour en prison!

A ces mots-là, Astrid sourit. Elle rassure son amie comme elle peut, sans pour autant nous dévoiler son plan.

Moins vous en savez, mieux c'est. Je vous direz tout en tant voulu.

Après ça, Astrid a passé un coup de fil à un certain Benjamin à propos d'une interview. Je dois avouer que je n'ai pas vraiment compris pourquoi elle voulait d'un journaliste dans les pattes.

Maïa...

Je me retourne vers Astrid et elle me fait signe de la suivre alors je laisse Nadia et Gwen dans le salon et sort dans le couloir de l'immeuble en compagnie d'Astrid.

Oui? Je demande, à présent inquiète.

Est-ce que tu te sens prête à affronter Antonio? A l'affronter dans un tribunal sous les caméras des journalistes?

Je cherche une réponse dans son regard, mais je ne parviens pas à discerner ses intentions.

Qu'est-ce que tu vas faire, As?

Elle sourit tendrement et replace une mèche de cheveux derrière mon oreille.

Tu n'as pas répondu à ma question, Maïa.

Je frissonne quand elle prononce mon prénom. Je cherche aussi ce que va impliquer la réponse que je donnerais.

Je suis prête. Mais je veux que tu me dises ce que tu comptes faire.

▪︎▪︎▪︎

Impossible de résister à cette femme, je lui expose donc mon idée.

Si on livre Antonio, ça va me retomber dessus, alors il faut d'abord que sa parole n'ait plus aucune valeur. Un collègue journaliste me doit un service alors ça tombe bien. Il va interroger les victimes d'Antonio qui sont en prison pour qu'elles puissent donner une nouvelle version des faits. Leurs avocats pourront demander de revenir sur leur plaidoyer et demander une libération, faute de preuves. Et en plus de ça, je t'ai toi. Tu vas devoir mentir devant un juge, alors sois convaincante. Tu devras leur dire ce qu'il s'est passé quand Antonio a abattu l'homme dans la maison, tu devras leur dire qu'il a engagé un tueur à gage pour te retrouver, tu diras aussi que l'accident de bateau était le coup du tueur à gage…

Mais… la police va te retrouver dans ce cas… Me coupe-t-elle.

Je secoue la tête de gauche à droite, le sourire aux lèvres

Non. Tu te souviens de l'homme que j'ai tué dans l'appartement de Gwen? C'est lui qu'ils vont chercher. Tu devras réussir à les convaincre que le bateau c'était son idée pour te faire disparaître, mais qu'il y a eu un désaccord avec les complices et qu'il est mort sur le coup de l'accident, et que toi, tu as réussi à regagner le rivage.

Ça parait un peu tiré par les cheveux…

Plus c'est gros, plus ça passe, de toutes façons, on n'a pas vraiment d'autre choix. Enfin, si il y en a un autre… mais ça voudrait dire que je passerai le reste de ma vie enfermée.

Maïa triture ses doigts de façon nerveuse et son regard fuit le mien.

Ne t'inquiète pas ma chérie, ça va bien se passer, mais si jamais ils commencent à me soupçonner, je veux que tu me balances à la police, compris? C'est hors de question que tu sois impliquée par ma faute…

Non! Me coupe-t-elle. Non, jamais je ferais ça! As, je ne veux pas te per…

Je prends sa tête entre mes mains pour qu'elle me regarde et je la coupe à mon tour.

Arrête Maïa. Si jamais les flics commencent à avoir des doutes sur moi, tu dois faire comme si je t'avais menacée, ok?

Elle secoue la tête, les larmes aux yeux.

C'est en dernier recours, mais, s'il te plaît Maïa, promet le moi…

Sa voix se brise et les larmes ruissellent sur ses joues.

Maïa, promet le moi… je t'en pris…

D'accord. Répond-elle dans un chuchotement presque inaudible. D'accord…

▪︎▪︎▪︎

Astrid a mis son plan à exécution. Elle a prévenu son collègue journaliste qui est allé faire le tour des victimes d'Antonio. Après ça, de plus en plus de médias ont été alertés, et la justice a dû s'en mêler. Comme convenu, Dimitri, le journaliste, est venu l'interviewer. J'ai répété le texte que j'avais appris, j'ai dénoncé Antonio pour les crimes qu'il a commis, j'ai parlé de ma cavale, j'ai parlé des tueurs qu'il a engagé, j'ai parlé de tout. Tout sauf Astrid. Finalement, Astrid a appelé anonymement la police pour livrer Antonio, dans un entrepôt perdu au milieu de nulle part. Ils ont essayé de remonter la piste de l'appel, mais bien évidemment, ils n'ont jamais trouvé.

Enfin, me voilà au tribunal, en compagnie d'Antonio, sur le banc des accusés, et de moi, sur celui des victimes.

Mademoiselle Maïa Clavet, vous accusez mon client de meurtre, pourtant, c'est vous qui avez fuis à la suite de la mort tragique de monsieur Patrick John, pas mon client. Quelles preuves avez vous contre lui?

Alors pour vous, tous ces témoignages des ex-compagnes de votre client ne compte pas? Toutes ces accusations seraient des mensonges ? Monsieur Bennet, enfin, soyez sérieux et posez les bonnes questions.

Gwen intervient, toujours avec force et contenance, elle est mon avocate dans ce procès, et la meilleure que je pouvais espérer puisqu'elle connaît toute l'histoire. L'avocat d'Antonio reste sans voix un instant, puis repart à la charge.

Pourquoi vous être faite passer pour morte si vous n'avez rien à cacher? Pourquoi ne pas simplement être allée vendre mon client aux autorités compétentes ?

Parce qu'ils ne m'auraient jamais cru! Et j'avais peur des représailles qu'il pourrait me faire!

Les mots sont sortis seuls de ma bouche et je couvre celle-ci de mes mains comme pour ravaler mes paroles. Ce n'était pas ça le plan. C'était de laisser Gwenaëlle répondre aux questions. Mon avocate me regarde d'un air surpris mais ne laisse rien transparaître de plus. Antonio bouillonne de rage et se mord la lèvre pour éviter de dire quelque chose qui pourrait l'incriminer.

Ça ne répond pas à ma première question, mademoiselle Clavet. Répond calmement l'avocat de l'accusé.

Je cherche du regard Astrid dans la salle d'audience. Elle est assise sur un des bancs, sans rien dire. Elle se fondrait presque dans le décor, si je ne connaissais pas son rôle dans cette histoire. Son seul regard a le don de m'apaiser. Elle doit être aussi stressée que moi, voir plus, mais elle ne le montre pas. Au début du procès, Antonio a essayé de la dénoncer, mais ça n'a pas fonctionné. L'avocat de la partie adverse se racle la gorge ce qui me ramène à la réalité.

Le bateau… C'était un accident de ce que j'en ai compris. Le ravisseur qu'Antonio Desmonts a engagé a voulu nous faire disparaitre, me faire passer pour morte, pour qu'Antonio puisse faire ce qu'il voulait de moi… Mais ses complices et lui ont eu un désaccord, et ce qui devait être de la comédie est arrivé en réalité. Un bateau de pêche nous a foncé dedans, détruisant l'embarcation dans laquelle nous étions et tuant mon ravisseur sur le coup. De mon côté, j'ai réussi à rejoindre le rivage avec seulement quelques égratignures.

Mensonges ! S'écrie Antonio. C'est elle qui a tout organisé! Dit-il en pointant Astrid du doigt.

Un mouvement de surprise s'empare de l'assemblée alors que mon cœur menace d'exploser en me rendant compte que ce que je craignais le plus est en train d'arriver.

Entre deux mauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant