Chapitre 43

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Ça ne sert à rien de prendre une grande salle, on a si peu d’invités que ça fera vide.

Assise au bar du Renouveau, Maïa et moi avons pris l’habitude de discuter de cette manière pendant qu’elle cuisinait et que les deux nouveaux serveurs se chargent d’apporter les plats.

D’ailleurs, en parlant d’invités, tu ne voudrais pas inviter plus de membres de ta famille? Des grands-parents, des cousins,ou même tes amis d’enfance?

Elle secoue la tête.

Je ne leur parle plus depuis longtemps, et un petit mariage me convient très bien. Mais tu peux inviter plus de monde si tu veux.

Je rigole en me demandant qui elle veut que j’invite de plus.

Mon téléphone sonne et je monte pour ne pas déranger les clients. Depuis que Gwen et Nadia sont retournées en Russie, l’appartement semble bien vide. Je regarde le numéro et c’est sans surprise Gabrielle. Depuis que je l’ai retrouvée, elle s’est énormément attachée à moi, et je dois dire que moi aussi d’une certaine manière.

Salut, ça va?

Très bien et toi? Je réponds.

Super! Tu es libre?

Et toi t’es pas censé être couchée? Il est 23 heures passées et tu as cours demain, les vacances sont finies je te rappelle!

Elle soupire exagérément avant de reprendre.

Avec des copines, on s’est dit que tu pourrais nous apprendre à nous défendre. Comme ça, si une de nous à affaire à un pervers, on pourra s’en charger nous-même!

Pas sûre que ça soit une super idée… Vos parents sont d’accord au moins?

Arrête un peu de t’inquiéter! Je ne vois pas pourquoi ils refuseraient! Et puis, tu as rien d’autre à faire.

Je prépare mon mariage je te signale.

Oui, bon… Au fait, tu passera le bonjour à Maïa, et on se dit à samedi, 10 heures?

Elle raccroche avant que j’ai le temps de protester. Cette fille est pas croyable! Mais en même temps, ça pourrait être une bonne idée. Après son service, j’en parle à Maïa, qui est totalement pour. Elle dit qu’on peut utiliser le restaurant comme salle en poussant les tables et les chaises, et que ça lui fera de la pub auprès des jeunes. En gros, c’est du gagnant gagnant.

▪︎▪︎▪︎

Avec Astrid, on est allé acheter des tapis pour amortir les chutes.

Évite de te prendre un coup avant notre mariage quand même.

Tu me prends pour qui? Ce ne sont que des ados.

Ouais, et c’est les pires! Je réponds en riant.

On continue de tourner dans les rayons d’un magasin de sport. Cette conversation me rappelle qu’on n’a toujours pas abordé le sujet enfant ou pas enfant. Après un court instant, je décide de me lancer.

As, je me demandais…

Elle s'arrête de marcher brusquement, certainement à l'inquiétude dans ma voix, et je lui fonce dedans.

Désolé.

Tu me fais peur, qu’est ce qu’il y a?

Je me demandais si tu voulais des enfants. Je termine ma phrase dans un murmure, de peur que notre réponse ne soit pas similaire.

Elle se raidit d’un coup et prends mes mains dans les siennes.

Toi, tu veux des enfants? Demande-t-elle tendrement.

Non, et j’ai tellement peur que toi si et que notre relation ne fonctionne pas, et que tu me quittes parce qu’on n’a pas les mêmes projets, et…

Stop!

Elle me coupe dans ma lancée, je crois que j’ai parlé tellement vite que j’ai dû marcher la moitié des mots. Je prends le courage de la regarder dans les yeux.

Maïa, tu crois vraiment qu’avec le modèle de parents que j’ai eu, je me sens capable d’assurer le rôle de mère? En plus, avoir des enfants n’a jamais été ni une priorité, ni une envie. J’en reviens pas que tu te mettes dans tous ces états, qu’est-ce qui a bien pu te faire penser que je voulais des enfants?

Je sais pas, je crois que j’avais surtout peur de te perdre… Et puis, comme tu t’entends bien avec Gabrielle, je me suis dit que peut-être…

Écoute, maintenant, si quelque chose te tracasse, tu m’en parles tout de suite, et tu évites de t'imaginer n’importe quoi. Tu te souviens quand je t’ai dit que je te choisissais toi? Je hoche la tête. Et bien, ça sera toujours vrai. Je te choisirais toi, dans n’importe quelle circonstance.

Ses mots me rassurent et ses bras qui m'enlacent me calment. Sur cette note de douceur, on rentre chez nous, accompagné de trois grands tapis.

▪︎▪︎▪︎

De retour chez nous, on pousse les chaises et les tables pour voir s'il y a assez de place pour les tapis.

Ça a l'air pas mal! Tu es prête pour samedi!

On effectue la manœuvre inverse pour que le restaurant puisse accueillir ses clients ce soir. Depuis que l'été s'est terminé, on a beaucoup moins de clients, les soirées sont plus calmes et on revoit souvent les mêmes visages. De mon côté, j'ai postulé dans un commissariat en tant qu'enquêtrice indépendante, mais je n'ai reçu aucune réponse. Je suppose que mes antécédents ne jouent pas en ma faveur, mais ils pourraient reconnaître au moins que j'ai du potentiel.

On décide de profiter de notre après-midi en se promenant au bord de la plage. Les températures sont encore hautes, et le vent ramène les odeurs de la mer. Maïa et moi nous sommes bien habituées à cette nouvelle vie, je prends vraiment goût à la tranquillité. Même si je n'avais jamais envisagé ce genre de vie paisible, je dois reconnaître que c'est plaisant de ne pas avoir à s'inquiéter pour sa vie à longueur de journée. Maïa m'a appris à vivre, en fin de compte.

Comme tous les mercredis soirs, les serveurs ont leur jour de repos, et c'est moi qui me charge du service. Les derniers clients accoudés au bar finissent par s'en aller, signifiant qu'il est l'heure de ranger. Maïa fait la vaisselle et je ramène les couverts avant de nettoyer la salle.

J'entends la porte s'ouvrir, et lance, d'un ton détaché.

On vient de fermer.

Oui je sais.

Je me retourne brusquement quand j'entends cette voix que je croyais disparue à jamais et quand je la vois, j'en laisse tomber le verre que j'avais dans les mains. Je n'en reviens pas, elle est vraiment là. Elle est revenue, après tout ce temps. Et elle m'a retrouvé.

Maman!?

Entre deux mauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant