Chapitre 45

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La fameuse question, celle qui m'a empêché de dormir pendant si longtemps. Parler de Manon me fait toujours mal, mais ça me permet en même temps de la garder en vie dans l'esprit des gens. Si on continue de se souvenir d'elle, c'est comme si elle ne nous quitte jamais vraiment.

Je prend une grande inspiration avant de me lancer dans ce récit

Bon, par où commencer… Quand j'étais en prison, Manon était en famille d'accueil, et, quand je m'en suis échappée, elle est venue vivre chez Gwenaelle avec moi. Au début, ça se passait plutôt bien, mais après six mois passés tranquilles, Manon est tombée malade. C'était du sérieux, et le seul moyen de la sauver, c'était une opération qui demandait beaucoup d'argent. Et comme ni elle ni moi n'étions plus recensé par l'Etat, on ne pouvait recevoir aucune aide. C'est pour ça que j'ai commencé la chasse à l'homme, si on peut appeler ça comme ça. J'avais de l'expérience depuis la prison et Nadia m'a aidé, ça m'a permis de rapporter pas mal d'argent. De son côté, Gwen nous aidait aussi, mais, ça ne suffisait jamais. Le cas de Manon s'aggravait de jour en jour, et, trois ans après, elle a enfin pu être soignée. Comment te dire qu'elle était rayonnante après ça… Mais la tranquillité ne dure jamais assez longtemps. Elle devait prendre un traitement qui, lui aussi, coûtait une fortune. Alors j'ai dû continuer ce "travail". C'est comme ça que l'année qui a suivi, je me suis retrouvée à traquer un tueur en série qui s'amusait à appeler ses victimes avant de venir les torturer et de les prendre en photo comme souvenir.

Tu n'es pas obligé de continuer si tu n'en as pas envie.

Ça fait mal, mais j'ai envie de lui partager cette partie de moi. Je prends le temps de me calmer, et reprends.

Donc, c'est comme ça que j'ai fait ma première rencontre avec le Collectionneur. C'était un véritable jeu du chat et de la souris entre nous, on se cherchait, on se fuyait, mais jusqu'à lors, jamais on ne s'était approchés. Et puis, un jour, je suis rentrée chez moi, dans l'appart que j'avais pu louer… j'ai tout de suite senti que quelque chose n'allait pas. Il n'y avait aucun bruit, aucune lumière allumée, alors que Manon était censée être à la maison. Je suis entrée dans le salon et mes poils se sont hérissés quand j'ai senti une présence dans mon dos. J'ai tout juste eu le temps d'allumer la lumière pour voir ma sœur attachée à une chaise, qu'il m'a assommée.

Je me blottis dans ses bras pour chercher le réconfort dont j'ai besoin pour essayer de continuer.

Tu sais… ce qui est le plus horrible dans tout ça, c'est que Manon avait un vrai avenir devant elle. Elle venait de passer son bac et allait partir faire ses études en droit. Elle avait tout pour réussir et si j'aurais pu, j'aurais sacrifié le monde entier pour elle.

Je sais… Répond-elle calmement en me caressant le dos.

Je ne veux pas revivre ce qu'il s'est passé ce soir-là.

Je sais aussi. Tout va bien. Maintenant, je comprends.

▪︎▪︎▪︎

On ne bouge pas du lit de pratiquement toute la matinée. Cette conversation avec Astrid m'a permis de choisir la position que je voulais occuper dans cette histoire de famille. Et c'est certain, je dois à mon tour protéger ma fiancée. C'est à moi de prendre soin d'elle maintenant, même si cela signifie devoir tenir à distance sa mère. Du moins, jusqu'à ce qu'Astrid ne souffre plus autant.

Ma chérie, ça peut paraître bête, mais… ça t'embête si on ne fait rien aujourd'hui ? Je ne me sens pas d'humeur à…

Tu n'as pas à te justifier. Pas auprès de moi. On va rester à la maison, ne t'en fait pas. La rassurais-je.

Elle me remercie de sa voix enfantine. C'est fou comme cette femme a deux facettes totalement opposées et qu'on ne peut réellement l'apprécier seulement quand on connaît ses deux côtés.

Elle se lève et lance.

Je vais prendre ma douche, tu me rejoins ?

Et putain, qu'est-ce qu'elle est belle!

Avec plaisir.

▪︎▪︎▪︎

Je passe ma journée avec une étrange sensation au creux du ventre, comme de l'angoisse, mais en moins réel. Comme si ce que j'étais en train de vivre sortait tout droit de mon imagination. C'est vrai que ce qui se passe dans ma vie est plutôt fou, mais revoir ma mère me tourmente plus que je ne voudrais bien l'admettre. De plus, notre mariage approche et j'ai terriblement peur de ne pas être à la hauteur des attentes de Maïa.

Et si ce soir je fermais le restaurant pour qu'on puisse passer notre temps ensemble?

On est au milieu de la semaine ! Et tu ne peux pas fermer sans prévenir tes clients.

Je n'ai aucune réservation de prévu, alors je peux faire ce que je veux. J'ai envie de passer du temps avec toi.

Arrête. Je veux pas que tu aies pitié de moi.

Comment je pourrais ? Tu es mon héroïne après tout.

Elle me lance un sourire charmeur et je lève exagérément les yeux au ciel, en vérité, ça me fait plaisir qu'elle se donne la peine de s'arranger pour passer du temps avec moi, surtout en ce moment.

On regarde un mauvais film en mangeant de la glace quand quelqu'un frappe à la porte. Maïa râle qu'on nous dérange en disant que les gens ne savent pas lire que c'est marqué fermé devant la porte, mais au fond de moi, je sais que c'est elle.

Les coups retentissent à nouveau et Maïa s'apprête à se lever du canapé pour répondre aux cognements, mais je me met à paniquer totalement à ce qu'il pourrait se passer si c'était bien elle.

Laisse je m'en occupe. Dis-je en me précipitant dans les escaliers.

Avec appréhension, j'ouvre la porte, et je tombe sans surprise sur ma mère.

Ne commence pas et vas-t'en.

Je referme la porte mais elle bloque celle-ci avec son pied.

Ta compagne n'est pas là? Elle t'a laissé, c'est ça? Fanfaronne-t-elle.

Elle est en haut, et si c'est tout ce qui t'intéresse, dégage de chez moi!

Astrid je n'irais nulle part tant que tu ne seras pas plus bas que terre. Tu m'as tout pris. A ton tour de tout perdre.

Entre deux mauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant