Chapitre 36

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Je plaide coupable! Dis-je en donnant le papier signé au juge, encore au téléphone.

Bon je te laisse, cette affaire risque d’être un peu plus compliquée, j’ai jamais vu ça, la victime qui plaide coupable. Continue-t-il à l’intention de son correspondant.

Il raccroche et se reconcentre sur moi.

Vous avez convaincu votre avocate aussi rapidement? Maître Peinto n’est pourtant pas quelqu’un de facilement influençable.

On peut dire ça. Tenez.

Il regarde la feuille signée que je lui tends mais il ne la récupère pas.

Mademoiselle Blake a déjà fait sa déposition et a fait un contrat pour que vous soyez acquittée de ce procès. Je ne peux pas accepter ce document.

Pourquoi Astrid aurait fait ça?

Il hausse les épaules avec désintérêt.

L’audience reprend, je suis retournée chercher Gwen qui était plus que furieuse, mais je lui ai expliqué la situation.

C’était le plan et tu le sais. M’avait-elle dit.

Oui, c’était le plan, mais moi je m’en fiche d’être libre si je ne peux pas être auprès d’elle. J’ai supplié Gwen de m’aider, ce qu’elle a refusé en disant:

J’ai promis à Astrid de m’assurer que tu ne ferais pas de bêtise, mais j’ai mis Nadia sur le coup.

Ça veut dire quoi ça?

Que tu n’as pas à t’en faire.

Mais alors que l’avocat d’Antonio recommence à m’asséner de questions, en particulier au sujet d’Astrid, je ne tiens plus.

Ça suffit! Astrid n’est pas une enfant de chœur, c’est sûr, mais elle a permis de stopper le Collectionneur ainsi qu’Antonio. Elle a toujours essayé de faire ce qui est juste, elle a aidé tant de monde et vous ne le voyez même pas! Ne la blâmez pas pour toute cette histoire, c’est à cause d’Antonio et moi qu’elle a été mêlée à ce meurtre!

Plusieurs autres accusations portent sur elle, mais là n’est pas le sujet. Intervient le juge.

Gwenaelle me fait signe d'arrêter, alors je n'en rajoute pas davantage. Au moins, l'avocat d'Antonio ne pose plus de questions sur elle.

▪︎▪︎▪︎

J'aurais pensé qu'ils se seraient dépêches de me faire passer devant un juge pour que je finisse rapidement en taule, mais mon procès traîne, apparemment le juge chargé de mon affaire aurait pris sa retraite anticipée. Ce qui me fait penser que Gwen et Nadia mijotent quelque chose. En attendant, je suis dans une cellule provisoire, où, je dois dire, ne me sens pas trop mal. Bien entendu, le confort de l'appartement de mon avocate préférée me manque, mais ça aurait pu être pire.

Tu as de la chance toi! Lance un officier chargé de me surveiller. Ton procès est encore retardé.

Je peux savoir pourquoi ? Demandais-je innocemment.

Le juge a changé de département sans prévenir personne. Tu dois avoir un ange gardien ou quelque chose du genre.

Oui, sûrement.

J'ai effectivement un ange gardien qui veille sur moi…

Après trois semaines où mon jugement est toujours retardé, je regarde les informations sur la petite télévision accrochée dans le couloir entre plusieurs cellules. Ce jour-là, Maïa est reconnue innocente dans l'affaire qui l'opposait à Antonio, et lui a été envoyé en prison avec une peine à perpétuité et remise sous liberté conditionnelle au bout de dix ans. Je soupire de soulagement à l'idée que Maïa soit enfin libre, réellement libre.

Gwen est passée me voir pour m'annoncer la nouvelle et elle a dû batailler pour réussir à convaincre Maïa de ne pas venir, car ça pourrait lui attirer des ennuis.

Dans la salle prévue aux visites, il n'y a que Gwen et moi. Elle jette un coup d'œil vers la caméra de sécurité dont le voyant éteint signifie qu'elle est hors service. Je souris intérieurement en pensant à tout ce qu'elle a dû faire pour moi depuis le procès de Maïa.

Ton procès va avoir lieu dans deux jours, ne me demande pas comme avocate, appelle le lui. Elle me tend une carte de visite, certainement d'une personne en qui elle a confiance. On s'est débrouillée pour que tu t'en sortes sans une peine trop longue.

On? Qui ça on?

Non, ne t'inquiètes pas, juste Nadia et moi, on n'a pas mêlé Maïa à ça.

Merci…

Elle sourit bêtement et je lui demande pourquoi.

Maïa a tout essayé pour que tu sois en liberté, et toi, tu as fait la même chose pour elle.

Comment ça tout essayé ?

Elle lance un regard rapide à la caméra, et sans même avoir besoin de me retourner, je sais que le petit voyant rouge s'est remis à clignoter. On échange des banalités avant qu'elle ne reparte.

Ces femmes sont incroyables !

▪︎▪︎▪︎

J'ai faussé compagnie à Gwen et Nadia pour pouvoir assister au procès d'Astrid. Elles deux ont préféré rester regarder cette affaire depuis les chaînes d'information en continue, pour éviter d'attirer les regards sur elles. Astrid est au centre des projecteurs aujourd'hui, beaucoup de français regardent son procès depuis leur salon sur leur télévision, et certains sont venus sur place. Les avis quant aux peines qu'ils envisagent sont mitigés. Bien qu'elle soit une meurtrière, elle a permis de faire arrêter Antonio, un tueur multirécidiviste qui a sévi dans tout le pays. Elle a également éliminé le Collectionneur, qui a fait trembler Bordeaux et toute sa région quelques années en arrière, et qui n'avait jusqu'à lors jamais été attrapé. Et sa collaboration récente avec la police a permis de démanteler des réseaux de trafic de drogue immenses, sans compter tout un tas de criminels de bas étages.
Alors, oui, les avis divergent quant à la peine qu'elle devrait encourir.

L'accusée fait son apparition dans la salle d'audience, menottée et escortée par des officiers de police. Nos regards se croisent et un sourire chaleureux apparaît sur son visage avant qu'elle ne le réprime presque aussitôt.

La procédure se déroule normalement, et, au moment où le juge doit rendre son verdict, la tension est à son comble.

Mademoiselle Astrid Blake, vous encourez une peine de trente ans de prison, avec sursis. Vous aurez une assignation à domicile pendant huit mois avec un agent de police qui passera une fois par semaine. Vous avez interdiction de quitter le pays. Au moindre écart judiciaire, votre sursis sera invalidé ce qui engendrera votre incarcération immédiate.

Ses yeux s'agrandissent et sa bouche reste entre ouverte un moment. Je crois bien que je dois faire la même tête qu'elle.

Dans l'assemblée, certains protestent, d'autres félicitent la décision du juge. Moi, je suis simplement sous le choc. Même dans le meilleur des cas, j'imaginais qu'elle passerait quelques années en prison, c'est inespéré, même pour Gwen et Nadia.

La salle se vide peu à peu et les journalistes s'accaparent ma bien aimée. J'attends alors gentiment qu'ils lui laissent un peu de répit.

Quand elle voit que les couloirs du tribunal sont presque vides et qu'à part quelques journalistes, il n'y a plus qu'elle et moi, elle s'approche timidement.

Son sourire éclatant illumine son visage et je me jette sur elle, la serrant dans mes bras comme si elle risquait de s'évaporer.

Maïa, j'arrive pas à y croire…

Moi non plus. Répondis-je entre deux sanglots.

Elle resserre son étreinte et passe sa main dans mes cheveux.

C'est fini ma belle. C'est terminé. Chuchote-t-elle. On va rentrer à la maison.

Entre deux mauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant