[Narration : Lucie]
« Tu te montes vraiment la tête ! Peut-être que le vendeur fait un petit trafic de bières, voilà tout ! Peut-être qu'il triche un peu sur les comptes mais il ne doit rien y avoir de bien méchant là-dessous. T'sais, un mec qui fait banqueroute ou se fait virer de son taff a plus de problèmes avec sa femme qu'avec son banquier...
— Tu as sûrement raison, acquiesçai-je en repensant à toutes les réductions que le vendeur m'offrait.
Minoru soupira.
— Les gens biens ne le sont jamais autant qu'on le croit.
Dans un sentiment de maniaquerie, je tendis le bras pour remettre droit le col de sa veste.
— J'aime bien quand tu fais attention à moi comme ça, dit-il. Même si c'est juste pour remettre mon col...
— Tu es énervant.
Il m'était pourtant impossible de lui en vouloir. Comment, en considérant ses grands yeux bruns pétillants, sa large bouche rieuse, le fin réseau de petites rides d'expressions qui parcouraient son visage, se fâcher contre lui ? Cela m'était impossible. Je relançai la conversation pour mettre un peu de distance entre nous.
— Quant à Eisei, repris-je. Je ne peux pas te décrire ce que j'ai ressenti lorsqu'il m'a parlé. J'ai eu l'impression qu'il savait tout. Absolument tout de ce que nous avions découvert ces derniers jours.
— Ouais... approuva Minoru d'un ton grinçant. Il sait que t'entretiens toujours des liens avec la faction de Takeo et ça a dû le mettre mal à l'aise.
— C'est aussi ce que je pense.
— Tu parles ! argua-t-il en secouant négligemment sa grande main, manquant de faire tomber les fleurs coincées sous son bras.
— Pardon ? m'exclamai-je.
— Tu n'as pas la mentalité pour comprendre ce qui a pu se passer dans la tête d'Eisei. Face à toi, il s'est mis en danger.
— Il ne sait sûrement pas que je les aies vus avec Fumito. Il ne se doute pas que sa machination ait été découverte.
— Tu marques un point, admit-il. J'ai eu... Un instant comment dire ? Tu sais, Eisei et Kensei n'ont jamais été en très bons termes de toute façon. Ça ne m'aurait pas surpris qu'il ait cherché à te faire du mal.
— À cause de la nymphe, c'est ça ? L'ex de Kensei qui a plaqué Eisei après avoir essayé de le rendre jaloux ?
Les yeux de Minoru s'agrandirent.
— Comment tu sais ça, toi ?
— Nino. Ensuite, Kensei m'en a parlé.
Minoru passa lentement la main sur son visage, la nuque renversée en arrière. Il eut l'air dégoûté.
— Dis, Minoru... Qu'est-ce que tu penses du fait que Fumito ait eu un doigt tranché ?
Il jeta un coup d'œil à mon pendentif.
— Qu'est-ce que Kensei a suggéré, lui ?
Je m'étonnai qu'il me retourne la question.
— Il a trouvé ça louche. En fait, il m'a dit que la plupart des clans ne faisaient plus ça aujourd'hui, qu'ils laissaient les jeunes partir en leur faisant promettre de disparaitre et de ne plus utiliser le nom du clan pour leurs propres affaires.
Minoru acquiesça.
— Ouais, si tu coupes ton doigt, t'as du mal à te faire réintégrer dans la société. Fumito est tombé sur un boss pas très conciliant – celui qu'on a vu, ajouta-t-il en se frottant mécaniquement la mâchoire. Ou alors il s'est fait punir. »
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Octopus - Tome 5 : La Pieuvre vit deux ans
General FictionMinoru s'est déclaré. Lucie se trouve face à un dilemme : le protéger ou soutenir Kei dont les crampes mystérieuses empirent à mesure que l'ombre de Fumito refait surface ? Takeo, lui, est déterminé à empêcher que Nintaï ne se transforme en une zone...