[Narration : Lucie]
Sur le chemin du retour à mon studio, nous passâmes devant le konbini. Ma respiration s'interrompit comme si un coup m'avait été porté à la poitrine.
La vitrine de l'établissement était brisée et de gros morceaux de verres jonchaient le sol. Dans la rue, le silence était total. Les quelques passants jetaient des regards stupéfaits autour d'eux et accéléraient le pas.
Optant pour le mouvement inverse, nous nous approchâmes du désastre pour constater qu'il ne s'agissait pas d'un accident provoqué par des ivrognes. Les trous dans ce qu'il restait de la vitrine et le saccage dans la supérette montraient bien l'impact de battes ou de barres de fer. Qu'il s'agisse des vitrages ou des étagères renversées, les dégradations étaient intentionnelles. Nous nous approchâmes plus près encore.
Le vendeur du konbini se trouvait encore à l'intérieur. De dos, il rampait à quatre pattes pour tenter désespérément de faire le tri dans les produits éparpillés au milieu des décombres.
Des alarmes de voitures de police résonnèrent. Le vandalisme était plus récent que nous le pensions. Kensei m'enleva et me força à courir. Nous montâmes en précipitation dans mon appartement. Abasourdie, je n'entendais que le bruit sourd de mon cœur qui martelait dans ma poitrine.
Sitôt la porte d'entrée refermée et verrouillée, je me retournai vivement sur Kensei.
« Comment tu expliques ça ? criai-je en le tenant par le col comme si j'avais pu le soulever d'un millimètre.
Il me prit doucement les mains et m'obligea à lâcher sa veste.
— Calme-toi. Ce n'est pas à moi que tu dois t'en prendre.
Me cherchant des yeux, il maintint mes mains dans les siennes et les pressa doucement.
— Calme-toi, répéta-t-il. Je sais que t'aimes beaucoup ce vendeur mais s'il fait des trafics, ce qui est arrivé n'est pas étonnant.
En pleurs, je me tapai à répétition la tête contre son torse. Il me laissa faire en maintenant mes poings serrés le long de mon corps.
— Des trafics de quoi ? Il ne devrait s'agir que de bière ou de petites réductions, non ?
— D'abord, arrête de te faire du mal. Et au passage, me taper dessus ne sert à rien, souligna-t-il d'une voix dénuée d'émotion.
Je m'arrêtai aussitôt et l'enlaçai.
Brusquement, toutes mes forces me quittèrent. Kensei me caressa la tête puis m'entraîna vers le canapé pour nous y asseoir.
— Je ne sais pas pourquoi on a cassé sa vitrine, dit-il d'un ton plat. Ne t'en fais pas pour les dégâts, il aura juste des comptes à rendre à l'assurance qui remettra tout à neuf. Ce qui est important, c'est que le vendeur n'ait pas été blessé.
— Il était de dos à quatre pattes ! m'écriai-je. Peut-être que...
— Il était en vie et avait toujours ses quatre membres.
Kensei se leva, ouvrit un placard de mon coin cuisine et sortit un verre qu'il remplit d'eau. Il revint vite vers moi et m'obligea à boire. Son calme et son sang-froid étaient incroyables.
— Il est possible que le vendeur n'ait pas payé sa redevance aux mafieux. Ou alors, il a peut-être fait un emprunt et le créancier lui a demandé le double pour le remboursement. Un truc du genre.
— Un truc comme l'aurait fait le patron du père de Jun ?
Ses sourcils se tordirent dans tous les sens. Il hocha la tête et ravala sa salive.
VOUS LISEZ
Octopus - Tome 5 : La Pieuvre vit deux ans
General FictionMinoru s'est déclaré. Lucie se trouve face à un dilemme : le protéger ou soutenir Kei dont les crampes mystérieuses empirent à mesure que l'ombre de Fumito refait surface ? Takeo, lui, est déterminé à empêcher que Nintaï ne se transforme en une zone...