54. En boule

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[Narration : Lucie]

C'était dimanche soir. Minoru avait disparu depuis vendredi. Il n'était pas chez lui, ses parents le cherchaient dans tout le quartier et les gars dans tous les coins de la ville où ils avaient l'habitude de traîner.

Nous étions tous aux abois.

Minoru n'aurait jamais disparu sans laisser de traces.

La bande était paniquée. Jamais je n'avais entendu la voix de Takeo trembler. Il en avait des hoquets. Alors qu'ils étaient déjà partis à sa recherche depuis la matinée, il venait seulement de m'appeler. Il était vingt-trois heures.

« Clé-à-molette, on a besoin de toi. Aide-nous à le chercher. On est à court d'idées. Peut-être que tu connais des coins où vous êtes allés ensemble, avait-il geint au téléphone.

— Pourquoi ne pas m'avoir appelée plus tôt ?

— On pensait le retrouver. Mais si c'est pas le cas avant demain, 'faudra qu'on prévienne les flics. On a déjà eu du mal à retenir ses parents.

— Ils ne faut pas qu'ils... Qu'ils soient au courant de ses activités, c'est ça ?

— Aide-nous. Ça ne lui ressemble pas. »

C'était un cauchemar.

Je fourrai mon portable et mon trousseau de clé dans une poche de manteau et volais le vélo de mon voisin qu'il laissait toujours dans le hall de la résidence sans chaîne.

Dehors, la température était glaciale. Elle me fouetta le sang. J'eus l'impression d'être entrée dans un congélateur de la taille d'une ville.

Je n'avais pas pris de gants et pédalai les doigts à l'air libre. Ils devinrent bleus au bout de quelques minutes. Je commençai par le temple près duquel il m'avait fait sa déclaration, puis le square aux écureuils où se balançaient piteusement les branches des arbres nus et m'engouffrai dans le dernier métro en baragouinant une maigre explication de cas d'urgence auprès du contrôleur qui me prit en pitié. Je parvins devant les bidons en plastique situés dans les docks. De cette façon, je passais au peigne fin tous les endroits où je me souvenais que nous nous étions promenés seuls.

Pourvu que Minoru ne soit pas retourné dans le bureau de l'oncle de Yuito.

À bout de souffle, je me retrouvai devant les grilles de Nintaï. Le lycée était fermé, la grille n'avait pas été forcée. Je déposai le vélo contre le portail et entrepris de les escalader. Je me ratai plusieurs fois et m'écorchai les mains. Finalement, je passai par au-dessus et me réceptionnai si mal que je trouai mon pantalon au niveau des genoux.

Les plaies saignèrent mais la douleur n'égala pas le seuil de mon angoisse. Je fis tout le tour des bâtiments et de dépit, fus prête à briser une vitre à l'aide d'une chaise échouée dans la cour centrale lorsque je réalisai que j'avais le double des clés passe-partout. Le gardien me les avait confiées pour faire la chasse aux extincteurs et aux détritus.

Il n'y avait vraiment aucune chance pour que Minoru se soit réfugié dans ce lieu qu'il détestait tant. Pourtant, j'inspectai le secrétariat, puis toutes les salles de classes de tous les étages, une à une.

J'étais épuisée. Il n'était pas loin de trois heures du matin mais une énergie venue de nulle part me poussait à continuer les recherches.

Pendant ce temps, je reçus régulièrement des appels des garçons qui me tinrent également au courant de leurs recherches. Ils s'étaient dispersés aux quatre coins de la ville et juraient qu'ils ne s'arrêteraient pas tant qu'ils n'auraient pas retrouvé Minoru. À présent, je pleurai. Où était-il ? Il restait encore les salles de clubs. Mon dernier espoir.

Octopus - Tome 5 : La Pieuvre vit deux ansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant