[Narration : Lucie]
J'avais retrouvé Leandro dans un café. Ni lui ni moi n'avions la tête à étudier et il semblait se délecter du récit de mes péripéties sentimentales.
« Bella ! s'exclama-t-il au bout d'un moment. Kensei ne t'écoutera pas. Il a beaucoup d'inquiétudes en ce moment, plus que toi, souligna-t-il de son anglais mélodieux. Saupoudre tout ça de son égo...
Je secouai la main devant mon visage pour chasser ses paroles. Il me fit remarquer que c'était une gestuelle japonaise.
Dans son sourire éclatant et son regard de velours, je savais que Leandro cherchait plus à me réconforter qu'à me déstabiliser mais ses yeux ne cessaient de papillonner de son café aux chevilles de la demoiselle assise en face de nous.
— Il y a le bon égo et le mauvais égo. Du bon cholestérol et du mauvais cholestérol, marmonnai-je. Le tout, c'est de savoir équilibrer la balance. C'est comme... Tu vois, sa force et sa générosité sont rassurantes mais aussi très envahissantes.
Le regard de Leandro revint vers moi, il haussa les sourcils.
— Tu veux dire qu'il est déséquilibré ?
— Hé ! Tu parles de mon copain quand même !
— Désolé ! sourit-il d'un air taquin.
Il s'interrompit pour me scruter.
— Je plaisantais... Ne fais pas cette tête, regarde-moi. Ça ne va pas ?
— C'est juste que... J'ai l'impression que Kensei se plaît à sortir du droit chemin. Je pensais que c'était à cause de l'influence de Takeo mais au final, je crois qu'il est juste comme ça, par nature. Ça l'excite.
Leandro grimaça. Il avait repris tout son sérieux.
— Tu me fais rire... Tu as vu son allure ? Quand on a des atouts comme les siens, on ne se prive pas de s'en servir. Moi, j'ai beau savoir me battre, il me flanquerait une dérouillée en moins de temps que Takeo s'est chargé de Sven !
— Tu es au courant ? m'étonnai-je en reposant ma tasse de café sur la table.
— N'oublie pas que j'étais son ami avant toi. Mais revenons à notre sujet. Souvent, les Japonais supportent les contrariétés de la vie en se faisant une raison... Mais pas ton copain. Je me trompe ?
— Il passe à travers les contraintes et toutes formes de pression en piquant des crises. J'arrive toujours à le raisonner mais j'aimerais qu'il y parvienne avant de s'énerver.
— Évoluer ne tiendra qu'à lui, approuva Leandro. Comment ça se passe du côté de tes potes affiliés aux yakuzas ?
Je lui demandai de baisser le ton et répondis :
— Les gars de Nintaï ne sont pas des yakuzas. Ce ne sont que des racailles.
— Que des racailles ? Attends, tu plaisantes...
— Non, Leandro. Je sens que mes amis nintaïens fuient les mafieux bien plus qu'ils voudraient en faire partie. Les récents évènements les rendent malades, ajoutai-je en repensant aux violentes crampes abdominales de Kensei.
Leandro avait complètement oublié les chevilles de la cliente. Il but un peu de café et d'un air désabusé passa une main dans ses boucles brunes.
— Les yakuzas ont tendance à être plus doux que leurs cousins italiens. En général, ils ne sont pas impliqués dans les vols, cambriolages, braquages ou autres violences de rue. Il est très facile de déléguer ce genre de crimes ou de délits à des voyous payés en contrepartie, à moins que ceux-là n'épongent leurs dettes vis-à-vis des yakuzas. Est-ce qu'il y a une chance pour que tes amis soient impliqués dans le carnage et l'explosion du konbini ?
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Octopus - Tome 5 : La Pieuvre vit deux ans
General FictionMinoru s'est déclaré. Lucie se trouve face à un dilemme : le protéger ou soutenir Kei dont les crampes mystérieuses empirent à mesure que l'ombre de Fumito refait surface ? Takeo, lui, est déterminé à empêcher que Nintaï ne se transforme en une zone...