[Narration : Lucie]
Le plus grand festival d'Osaka était le Tenjin Matsuri. Il était l'une des trois fêtes populaires avec le festival Sanno à Tokyo et festival de Gion à Kyoto. Il s'agissait également de l'un des plus importants festivals de bateaux du monde. Pendant plusieurs jours, comme je l'avais vécu l'an passé sans bien comprendre ce qui se produisait dans les rues, Osaka était pongée dans une atmosphère festive.
Pour ne rien arranger cette année, je me rendis au festival avec les caïds de quatrième année : Takeo, Kensei, Minoru, les Men in Grey, Nino, Ryôta, Daiki, Mika, Jun et même Yuito qui avait pu se libérer de son travail. Takeo avait tenté de faire venir Reiji mais celui-ci l'avait envoyé promener.
J'avais eu une sévère discussion avec Takeo au sujet des blessures qu'il avait infligées à Sven. Si la tension entre nous existait encore, elle s'était amenuisée, en partie grâce à la liesse qui nous enveloppait. En revanche, je remarquai que Kensei n'était pas dans son état normal. Il jetait des coups d'œil sans arrêt autour de nous. Minoru me glissa qu'il agissait par instinct : les yakuzas supervisaient tous les festivals et s'en prenaient volontiers aux jeunes gangs qui pourraient menacer le déroulement des festivités.
Le Tenjin Matsuri avait lieu les 24 et 25 juillet depuis l'an 951 et permettait de se soumettre à des rites de purification afin de prévenir les maladies infectieuses pendant les étés chauds. Le festival était divisé en trois étapes : une procession, un défilé de bateaux et un feu d'artifices. Le festival était placé sous la tutelle du sanctuaire Tenmangu, dédié à Tenman Tenjin, la divinité protectrice des études et des arts.
En premier lieu, un enfant représentant la divinité tenait une longue hallebarde et descendait la rivière Okawa sur un petit sanctuaire portatif installé sur un bateau. Du temple à la berge, la procession durait environ deux heures et était constituée d'environ trois mille personnes habillées en costumes de cour, marchant au rythme des tambours, des cloches et des chants.
Évidemment, le festival était l'occasion de se retrouver en famille et entre amis. Dans la rue les gens se pressaient pour grignoter dans les gargotes, profiter des petites attractions comme la pêche aux poissons rouges, assister aux spectacles de musique kagura, jouée pour rendre hommage aux dieux ou se dépêchaient de se présenter devant les théâtres bunraku qui faisaient virevolter les marionnettes.
Au milieu des rires des caïds, j'avisai soudain les baskets de Minoru. Certainement blanches autrefois mais désormais usées jusqu'au caoutchouc, leurs semelles se décollaient, les lacets décolorés ne tiendraient plus bien longtemps et le tissu n'avait plus vraiment de forme.
Marchant devant moi, l'Opossum sifflotai. Je parvins à le rattraper en ayant de peu évité de me prendre dans l'œil l'éventail d'un passant. Derrière nous, le groupe s'arrêta pour acheter des takoyaki et des glaces.
« Tes baskets sont mortes, Minoru. Pourquoi ne pas les jeter ? interrogeai-je en le laissant piocher dans mon paquet de chips aux crevettes.
— Mettre mes amours de chaussons de course à la poubelle, parmi les ordures ? Jamais de la vie ! se récria-t-il.
— Il faudra bien pourtant, un jour. En plus, elles sont sales.
— Ce jour n'est pas encore arrivé. Elles ont une valeur affective pour moi, dit-il en faisant la moue. Et puis, je me fiche de leur état, c'est pour courir, pas pour défiler sur un podium !
Je souris, amusée. Minoru ajouta comme pour s'excuser et justifier son manque de classe :
— Elles sont supers confortables. Je les ai achetées avec mon premier salaire, il y a deux ans. Je travaillais l'été comme hot-dog sur pattes géant.
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Octopus - Tome 5 : La Pieuvre vit deux ans
General FictionMinoru s'est déclaré. Lucie se trouve face à un dilemme : le protéger ou soutenir Kei dont les crampes mystérieuses empirent à mesure que l'ombre de Fumito refait surface ? Takeo, lui, est déterminé à empêcher que Nintaï ne se transforme en une zone...