[Narration : Lucie]
« Dis-moi !
— Amandine, il n'y a rien.
Elle poussa un soupir au téléphone.
— En immigrant au Pays-du-Sushi, tu n'as pas sauté dans le grand bain mais dans l'océan ! Il n'y a vraiment rien que je puisse faire avant que tu te fasses hacher comme un saumon ?
— Arrête un peu les stéréotypes. Dans une vie, les rêves servent à tenir le coup.
— Franchement ! Tu parles comme si tu avais six ans !
Ma grande-sœur se calma aussitôt :
— Toi, tu les réalises tes rêves, pas vrai ?
— J'essaie, répondis-je en masquant ma nervosité.
— Fais comme tu le sens. Mais si tu as un souci, tu sais que je suis là.
— Merci.
J'avais la gorge serrée. Comme si elle l'avait deviné, Amandine enchaîna :
— Tu as besoin de moi en ce moment. Je le sens. Tout va bien ?
— Je gère.
— Tu gères toujours tout, Lucie ! s'emporta-t-elle. Laisse-toi un peu aider par les autres. Je te rappelle quand même que j'ai failli te faire rapatrier de force deux fois : la première en août dernier quand j'ai compris que tu n'avais pas été victime d'un accident de voiture, la seconde en novembre, après cette rupture, quand j'ai cru que tu allais... Bref. Il n'y aura pas de troisième fois, tu entends ?
— Ne t'inquiète pas.
— Très bien. Quand tu n'auras plus aucune force, tu sauras qui appeler. »
Je le sentis tant énervée, au bord de l'explosion, que je le lui fis remarquer. Elle trouva un prétexte pour raccrocher.
*
[Narration : Minoru]
C'était la sortie des cours du vendredi. Comme d'habitude, nous quittâmes l'établissement en bande, Takeo en tête. Il avait ses épaules en arrière pour faire ressortir ses pectoraux. Au lieu de l'effet escompté, il ressemblait à un gorille. Un gorille tatoué. En queue de cortège, je traînai mes pattes d'Opossum transgénique. Lucie avait été occupée toute la journée et elle était repartie plus tôt que d'habitude. Elle avait un gros devoir à rendre pour lundi. Même Kensei tirait la tronche. Il marchait juste devant moi en direction du portail, en conversant sans entrain avec Jotaro et Tennoji. Lucie disait souvent de nous que nous avions une manière de marcher ample et arrogante. Elle n'avait pas tort : nous le faisions exprès.
Tout le monde était en t-shirt et avait laissé sa veste chez soi. Je ne savais pas quelle température il faisait mais au soleil, nous cuisions. Du dos de la main, j'essuyai mon front et remis ma casquette de baseball sur la tête.
À l'approche du portail, nous ressentîmes qu'il y avait une vague d'agitation. Des dizaines d'étudiants toutes années confondues étaient massés devant les grilles. Ryôta, Nino et Jun étaient déjà sur place, les mains sorties des poches. Qu'est-ce que ça pouvait bien être encore ?
J'ajustai ma visière. Un type de grande taille qui ne ressemblait pas tout à fait à un Japonais se tenait devant les grilles, campé sur des jambes raides et les bras croisés sur son torse bombé.
A vrai dire, c'était un beau mec. À sa vue, Kensei eut un mouvement de surprise.
« Où est Takeo ? » s'égosilla le suicidaire.
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Octopus - Tome 5 : La Pieuvre vit deux ans
General FictionMinoru s'est déclaré. Lucie se trouve face à un dilemme : le protéger ou soutenir Kei dont les crampes mystérieuses empirent à mesure que l'ombre de Fumito refait surface ? Takeo, lui, est déterminé à empêcher que Nintaï ne se transforme en une zone...