8/35 Montagnes russes [partie 1]

129 11 53
                                    


3 novembre 2017

– Salut, lâchai-je en installant une chaise à la table de bar que le reste de mes amis occupaient déjà.

– Sarah ! Ça fait un bail dis-donc, s'exclama Alex.

C'était vrai. Nous qui passions les trois-quarts de nos soirées ensemble, cela faisait trois semaines que je ne les avais pas vus et que je ne donnais plus signe de vie. Depuis que Daniel et moi nous étions embrassés.


Ces jours passés avaient été étranges. Nous n'avions pas arrêté de nous revoir, mais de là à dire que nous nous fréquentions, il y avait un gouffre. Une journée épique avait tout chamboulé. Le soir j'en avais à peine dormi. Après avoir regagné mon appartement en me mordant les lèvres pour retrouver le goût des siennes, je m'étais enfermée dans ma chambre et m'étais jetée sur mon lit, un peu tremblante. J'avais du mal à réaliser. Que mes paupières soient ouvertes ou fermées, c'était lui qui réapparaissait rejouant les scènes de la journée, les plus agréables, celles qui me faisaient monter le rouge aux joues ou qui m'obligeaient à enfouir ma tête dans l'oreiller pour étouffer un soupir de plaisir. 

Merde, mais qu'avait-il bien pu se passer ? Et surtout où étaient passées toute l'appréhension, l'exaspération et la colère que je ressentais habituellement contre lui ? Disparues. D'un coup. Comme s'il n'y avait pas eu d'avant. Comme si n'existait que le garçon que j'avais embrassé ce jour-là sans retenue au pied de mon immeuble lui imposant de coller son dos aux briques de l'entrée, appuyant par mégarde sur l'interphone d'un de mes voisins. Quand nous avions entendu un – oui ? bourru à quelques centimètres de nos oreilles, nous avions sursauté en nous cognant la tête. Nous avions retenu nos rires en comprenant que nous en étions l'origine. Et puis nous avions changé de mur et repris nos échanges.

J'avais tenté de m'endormir sur des pensées ardentes qui m'avaient réveillées trop tôt le lendemain matin. Tant pis, j'avais décidé de capituler. J'avais éloigné d'un coup de main toutes les questions qui faisaient surface au profit du plaisir ressenti rien qu'à sa simple pensée.

Et quel n'avait pas été mon étonnement quand je l'avais retrouvé l'après-midi même devant chez moi ! Mais alors que je descendais enjouée de le rejoindre, il avait détourné les yeux et s'était écarté à mon approche. Il se retenait de dire quelque chose. J'avais resserré mon manteau à cause du froid. 

Il m'avait proposé d'aller au cinéma. J'avais accepté. Nous avions marché en silence. Je ne saurais dire le film que nous avions vus, je n'en avais pas regardé une minute. J'avais été obnubilée pendant deux heures par son genou à quelques millimètres du mien et par sa main qui m'avait manquée à de nombreuses reprises. 

Au sortir de la salle, il enfonça profondément ses poings dans sa veste épaisse, la tête rentrée dans l'écharpe à cause du vent glaçant que nous prenions en pleine face. Nous avions échangé des banalités sur le film. J'allai dans son sens, je n'en avais même pas compris le sujet. Comme le jour précédent, il me raccompagna chez moi. Mais cette fois-ci, il s'assit en face sur les sièges de quatre places. Il estimait les gens autour sans croiser une seule fois mes yeux. J'eus l'impression que les moments partagés la veille n'avaient pas existé. À ma porte, il me souhaita une bonne soirée. Et il s'éloigna sans avoir sorti les mains des poches.


Je reçus un texto de sa part le lendemain soir. Il me proposait de but en blanc de boire un verre. Nous étions dimanche, il était déjà vingt heures, et je travaillai sur un commentaire de texte que je n'arrivais pas à terminer. J'avais l'esprit ailleurs depuis deux jours et il en était l'unique raison. 

Nos Folies ordinairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant