27/35 Écarter le danger [partie 1]

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25 février 2019


 Cela faisait trois jours. Je m'étais réfugiée dans l'appartement de Julie pour éviter la solitude. Elle avait tenté de me réconforter et de me changer les idées en me sortant faire du sport ou en allant au cinéma, mais cela avait été vain.

Aujourd'hui, elle m'avait accompagné en métro jusque Sainte-Anne dont j'étais en train de passer le grand portique néoclassique pour retrouver Tomas. Il m'attendait devant le bâtiment 2B, à l'entrée en préfabriqué qui faisait tache dans toute cette architecture de pierres blanches aux grandes doubles fenêtres.

Aujourd'hui, Daniel avait droit à des visites après trois jours d'hospitalisation aux urgences psychiatriques.


– Tu veux une clope ? me demanda Tomas en me tendant son paquet.

Je refusais en enfonçant ma tête dans les épaules. Je retins un tremblement.

– Ça va aller, affirma-t-il.

– Mh.

– Sarah, je t'assure que ça va aller. Il va mieux, tu verras.

Il finit sa cigarette qu'il écrasa dans le petit cendrier métallique installé à côté de la porte à la grosse poignée blanche. Il l'attrapa et me précéda pour entrer. Il faisait froid à l'intérieur et ça sentait le désinfectant.

Derrière un plexiglas, il y avait un semblant d'accueil où une femme en blouse blanche plissée à petites pressions métalliques discutait avec son collègue, un grand homme chauve aux sourcils gris broussailleux. Elle se tourna vers nous. Je fixai son badge accroché à sa poche-poitrine où pendait également une montre d'un rose éclatant.

– On a rendez-vous avec le Dr Declerck. Tomas Smithson, dit-il en posant son casque de vélo sur le comptoir où se froissaient quelques flyers bleu et blanc en papier machine.

– Ah, oui. C'est ça. À 14h30. Oui, c'est ça. Et bien asseyez-vous. Et le docteur va venir vous chercher. Oui, c'est ça.

Nous attendîmes sur des chaises en plastique, comme celles des jardins. Je gardais les mains croisées, Tomas avait mis les siennes dans ses poches.


Un homme sans blouse d'une quarantaine d'années, châtain, banal, avec des petites lunettes sans bords arriva devant nous d'une démarche sans entrain. Il nous indiqua de le suivre. Nous traversions un couloir aux murs vert pomme. Je fixai les baskets de Tomas devant moi qu'il traînait sur le carrelage clair aux joints noirs très larges.

La pièce était éclairée par une de ses grandes fenêtres que l'on voyait de l'extérieur, à laquelle on avait rajouté un store en lames plastiques un peu jaunies. Ici, il faisait très chaud. Il y avait un bureau qui trônait au centre de la pièce, encombré de dossiers dans des pochettes de différentes couleurs. D'un côté, il y avait un fauteuil haut dans lequel le Dr Declerck s'installa en rallumant l'ordinateur qui s'était mis en veille, de l'autre il y avait deux chaises aux accoudoirs bleus légèrement rembourrés sur lesquels nous nous assîmes en croisant les jambes.

– Hum, commença Tomas en se frottant les mains sur le jean. Sarah est la petite-amie de Daniel... Comme vous vouliez discuter avec ses proches, j'ai pensé que-

Il laissa sa phrase en suspens.

– C'est très bien, trancha-t-il d'une voix sèche en ouvrant le dossier devant lui, les lunettes sur le bout du nez.

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